30 Mars 2022
L'île de Skiatos, dans l'archipel des Sporades, avec toujours un décor de carte postale, mais plus authentique
Loin des clichés blanc et bleu, voilà une Grèce teintée de vert, assurément différente ! Et le vrai plus : le tourisme y est encore peu développé. L'automne et le printemps sont les saisons idéales pour parcourir cette région.
Entre Mécédoine et Thessalie, le «pays béni des dieux» met en avant sa nature préservée et ses plages tranquilles. Ses influences aussi, byzantine, ottomane ou balkanique. C'est dit-on, dans ce Nord que bat le vrai coeur de la Grèce.
Alexandre Le Grand a fière allure ! Perché sur son cheval, il regarde droit vers la mer Égée et plus loin encore, de l'autre côté de la baie, vers le mont Olympe. Passé la statue de bronze installée sur le front de mer de Thessalonique, la première impression déconcerte. Des immeubles "modernes", parfois disgracieux, des avenues étouffées par la circulation automobile, parfois crasseuses...C'est qu'il faut du temps pour apprivoiser celle qui fut jadis le trait d'union entre Rome et Constantinople, mais que la gloire d'Athènes a éclipsé. Et doucement, le charme agit.
Les accents de l'Orient résonnent dans le marché central aux allures de souk. À côté des fruits, poissons et épices, les objets liturgiques veillent à ce que le chaland n'oublie pas les nourritures spirituelles. Les odeurs de cannelle taquinent les narines, les discussions passionnées se mêlent aux cris des vendeurs qui hèlent la foule. Ici, pas d'acropole à explorer, pas de temples aux colonnes doriques pour servir de phares comme à Athènes, la grande rivale, mais 57 églises orthodoxes aux toits de tuiles, rappelant que Thessalonique fut la seconde cité de l'empire byzantin. Alors, on pousse les portes pour, une fois les yeux habitués à la pénombre, s'enivrer des odeurs d'encens, admirer les icônes colorées, observer un pope en pleine prière. Puis l'on prend son souffle pour partir à l'assaut de la ville haute. La pente est raide ! Mais l'effort est récompensé. Les immeubles modernes font place à des maisons colorées typiques des Balkans. On flâne avec délice dans les étroites ruelles pavées. Pas un bruit ou plutôt si, celui des chats qui miaulent au passage des rares visiteurs, celui des vieilles dames qui brodent à leur fenêtre.
L'Occident reprend ses droits dans la ville basse, sur l'élégante place Aristotelous, le centre névralgique de la cité et le point de départ pour explorer Thessalonique en version chic.
Les immeubles néoclassiques exhibent leurs couleurs pimpantes, les enseignes internationales attirent la jeunesse dorée. On file jusqu'à la tour blanche, vestige des anciens remparts turcs. Le Musée archéologique, avec ses collections de bijoux, ses statues de marbre et ses bronzes, se cache dans les environs, tout comme le musée de la Culture byzantine, fameux pour ses icônes. Deux visites incontournables pour toucher du doigt les racines de la ville avant la promenade sur l'avenue Nikis, qui longe la mer Égée, passage obligé des habitants en mal d'air frais et des amoureux. Pour un peu on se croirait sur la croisette, et pour cause : ravagée par un incendie en 1917, Thessalonique a été en partie reconstruite par l'architecte Ernest Hébrard, qui oeuvra à Cannes.
C'est le soir que Thessalonique est la plus vibrante. Il y a d'abord les étudiants, qui déferlent dans les cafés branchés du quartier de Diagonios, tout près de l'université. On boit jusqu'à plus soif sur les terrasses ou les trottoirs. Pas de sirtaki ni d'ouzo, mais de la techno et du gin ! Le quartier historique de Ladadika, tout près du port, sort lui aussi de sa torpeur avec le coucher du soleil. Ses entrepôts rénovés abritent restaurants et bars colorés, à la manière de Plaka à Athènes. Mais pour s'encanailler, les habitants préfèrent désormais Square Stock Market, près du marché central. Ses vieilles demeures attirent de plus en plus de restaurants à la décoration rustique ou de bars décalés.
Deux jours permettent de voir l'essentiel. Il est alors temps de s'échapper vers les plages, notamment en Chalcidique, cette région à l'est de Thessalonique qui prend la forme de trois doigts plongeant dans la mer Égée. Le "majeur", comprenez la presqu'île centrale prend le délicieux nom de Sithonia. Une route en fait le tour, pour une balade ponctuée de pauses gourmandes. D'abord dans les champs d'oliviers et des forêts de pins bordées de tranquilles plages. Et tout du long, les tavernes de villages assoupis qui invitent à goûter aux typiques souvlakis (brochettes). Et puis, les paysages s'agitent. De blanches falaises plongeant à pic dans les eaux translucides, dissimulent de délicieuses criques où l'on improvise une baignade. Plus plate, la presqu'île de Kassandra (à l'ouest de Sithonia) a les faveurs des Grecs qui viennent entre amis ou en famille dans ses stations balnéaires.
On est bien loin de l'austérité spirituelle du troisième doigt. Ses paysages escarpés dissimulent le fameux mont Athos, l'un des endroits les plus secrets de la planète. Depuis plus d'un millénaire, cette "montagne sacrée" abrite une vingtaine de monastères orthodoxes (certains accessibles uniquement depuis la mer) et 1.700 moines qui prient et veillent sur leurs trésors. Seuls une poignée de visiteurs non orthodoxes peuvent y pénétrer chaque jour. Et encore, uniquement des hommes, et sur réservation.
Un autre joyau plus accessible nous ouvre les bras. À trois heures de route de Thessalonique, le spectacle des Météores est unique.
Sur ces étranges pitons de grès, des monastères improbables s'accrochent à la roche. Agia Triada est l'un d'entre eux, véritable nid d'aigle qui défie le vide depuis plus de 500 ans. Au hasard de la découverte, on croise parfois des popes en caftan bleu perdus dans leurs prières. Même si, plus généralement, ils vendent des souvenirs !
Encore plus au sud, la région du Pélion préfère jouer la carte de la mythologie. C'est dans ce paradis des randonneurs qui préfèrent voir la Grèce en vert que se cachent les plus beaux joyaux. Les villages s'agrippent à la montagne, on y passe quelques jours hors du temps, en espérant rencontrer un centaure...Selon la légende, ces êtres mi-homme, mi-cheval y ont là leur repaire....