26 Juin 2024
Nichée au creux d'une vallée verdoyante, la ville de Dinant s'enorgueillit de posséder l'un des décors naturels les plus admirés et enviés du paysage mosan.
Il est vrai que cette cuvette entaillée par un fleuve aussi majestueux que capricieux ne manque pas d'attraits. Cernée par un rideau de roches abruptes, la cité s'étend dans la mince plaine alluviale, pour ainsi dire, en une seule rue, le long de la rive droite de la Meuse. Son élégante citadelle tutélaire couchée sur une falaise dénudée, son église collégiale coiffée dune étrange flèche bulbeuse, figure emblématique de la cité, et son rocher Bayard, théâtre de la prouesse d'un cheval mythique, comptent parmi les joyaux monumentaux de la Wallonie.
La topographie dinantaise est particulièrement contraignante pour qui souhaite y construire. Coincée sur l'étroite plaine alluviale entre Meuse et rocher, la ville n'a d'autre alternative pour s'étendre que de grignoter les espaces nord et sud depuis la ville haute, centre urbain médiéval né du développement d'un des noyaux du Haut Moyen Âge.
Abritée par sa propre enceinte défensive, la ville haute s'étend depuis la tour-porte Chapon (Place Sax) jusqu'à la porte Saint-Nicolas (Rue de la Grêle), puissant ouvrage défensif de forme hémisphérique protégeant l'accès au sud. L'ensemble englobe l'ancien vicus supposé, l'abbaye Notre-Dame et les fondations religieuses anciennes.
Le faubourg nord constitue la ville basse. Il comprend le marché, les quartiers artisanaux des tanneurs, des teinturiers et des drapiers. Le resserrement formé par l'éperon rocheux servant d'assise au château est fermé par un mur flanqué d'un fossé et dont la puissante tour-porte Chapon contrôle le passage entre les deux secteurs de la ville. A l'extrémité nord du faubourg, un imposant mur d'enceinte disposé perpendiculairement au fleuve et relié à la porte Saint-André ferme la ville. Un fossé alimenté par les eaux de la Meuse et des petits bastions avancés complètent ce dispositif défensif. Le long de la Meuse, le quartier est clôturé par un haut mur d'enceinte érigé le long du rivage, jalonné de tours et de portes, il rejoint les murs de la ville haute à hauteur du pont.
Au sud, la plaine alluviale au pied du rocher est rétrécie par le passage d'un bras de Meuse, qui isole ce qui forme en quelques sorte une île.
A l'origine, elle n'est pas bâtie et se trouve d'ailleurs largement extra-muros. Le quartier de l'île bénéficie d'une enceinte propre. Tourné vers le négoce. Il doit cependant rester relativement ouvert côté Meuse, principale route de commerce. Plusieurs portes sont donc aménagées dans le mur de rempart vers le rivage. L'île est reliée au reste de la ville vers le milieu du XIXe siècle, lorsque l'on comble le bras de la Meuse.
Enfin, le faubourg Saint-Médard, véritable enclave en terre namuroise, se développe sur la rive gauche. Sa défense est assurée par une enceinte au tracé concentrique. Cette extension territoriale du XIIIe siècle, destinée à protéger l'accès du pont à partir de la rive gauche, est considérée comme une usurpation aux dépens du comté de Namur.
Victor Hugo décrivait ainsi la Collégiale Notre-Dame : «Le clocher de l'église de Dinant est un immense pot à eau. Cependant, la façade de l'église a un grand caractère et toute la ville se compose à merveille ».
La tradition populaire attribue l'évangélisation de Dinant à saint Materne, premier évêque de Tongres, et à saint Menge, premier évêque de Châlons-sur-Marne. Une légende rapporte que saint Materne aurait bâti, vers 320, un petit oratoire dédié à la Vierge Marie à l'emplacement d'un temple gaulois qui se dressait au pied de l'immense rocher dominant la ville. Vers le début du VIIe siècle, la mort à Dinant de saint Perpète, évêque de Tongres, donne naissance à un culte important.
C'est l'évêque de Liège Richier qui élève, en 934, l'église Notre-Dame au rang de collégiale. Sous l'autorité d'un abbé, il y installe un chapitre de treize chanoines séculiers pris parmi les chanoines tréfonciers de la cathédrale Saint-Lambert à Liège. Il ne subsiste rien de cette collection primitive et des bâtiments claustraux qui en dépendaient. Transformé, voire remanié de fond en comble, l'édifice laisse la place à une église romane dont il subsiste comme seul vestige sur la face nord un portail en tuffeau de Maastricht très érodé.
En 1674, le château de Dinant est investi par une garnison impériale chargée de défendre la cité mais le roi de France y voit une violation de la neutralité liégeoise et sa réaction ne tarde pas. Le 22 mais 1675, les troupes françaises campent devant les murs de Dinant. Le château et la tour de Montfort sont bombardés et dès le 30 mai, la prise de la ville et de sa forteresse est annoncée à Louis XIV. L'occupation française durera plus qu'un quart de siècle...
S'étant rendus maîtres de la ville, les Français s'activent à réparer les dégâts causés par l'artillerie lors du siège et renforcent les zones jugées faibles sur le plan défensif. C'est en 1676 que Vauban est pour la première fois consulté sur l'opportunité de construire certains ouvrages fortifiés. Deux ans plus tard, Dinant est intégrée dans le «Pré carré» constitué d'une double ligne de forteresses entre la Meuse et la mer du Nord. Les grands travaux de fortifications dans la cité ne débutent qu'en 1680. La même année, Louis XIV donne son accord afin que débute la construction d'un «château neuf», dans le prolongement du vieux château, proposé par Vauban. En raison de son relief particulier, les nombreux problèmes que pose la fortification dinantaise sont étudiés et résolus grâce à une étroite collaboration entre Vauban et l'ingénieur Cladech qui reste sur place.
La configuration du site de Dinant ne manque pas de susciter l'étonnement de Louis XIV au point qu'il se fait apporter le plan en relief de la ville pour examiner toutes les possibilités de fortifications nouvelles.
Vauban se rend à Dinant à la fin du mois de septembre 1691. Il y rédige un projet réaliste mettant en évidence les défauts et les avantages de la fortification de la cité qu'il juge peu propice à une mise en défense. Il suggère de bâtir une couronne formée de deux fronts bastionnés d'environ 240 m de long chacun sur le plateau de Malaise. Il ne manque pas de faire remarquer qu'une ville traversée par un fleuve ne peut être efficacement protégée que si les deux rives sont solidement défendues.
Avec la prise de Namur par Louis XIV en 1692, Dinant perd sa position stratégique au bénéfice de Namur.
Alors que les travaux d'amélioration des fortifications de Dinant tournent au ralenti, un traité de paix est signé à Ryswick en 1697 qui stipule que la ville de Dinant doit être rendue à la principauté de Liège dans l'état dans lequel elle se trouvait avant l'arrivée des Française en 1675. C'est alors qu'est organisé un incroyable démantèlement. Les Français mettent un zèle particulier à abattre tout ce qu'ils avaient érigé mais des protestations indignées s'élèvent....Les autorités de la ville prétendent qu'on démolit beaucoup trop ! En cela compris, des parties de fortifications construites avec l'argent des Dinantais ! Mais les discussions les plus âpres portent avant tout sur le pont que les Français avaient rebâti. Le concert de réclamations des magistrats de la ville ajouté à celui du prince évêque n'a d'autre effet que de limiter sa démolition. Un château et des portions de l'enceinte urbaine ruinées, un pont inutilisable...voilà ce que les Français laissent aux habitants en quittant leur ville.
L'ironie du sort veut que tous les travaux conçus pour la mise en défense de la cité mosane ne serviront jamais. La place ne sera jamais assiégée. Il n'existe hélas ! que peu de traces matérielles de cette époque.
La citadelle est aujourd'hui reconvertie en un important et très intéressant musée de guerre et d'armes. Que vous choisissiez d'y accéder comme à l'époque (en gravissant 408 marches!) ou par le téléphérique, votre ascension à 100 mètres d'altitude sera récompensée par une vue à couper le souffle sur la ville, la Meuse et la région.
En vous promenant dans Dinant, vous verrez des saxophones un peu partout. La raison ? Sax Antoine-Joseph, dit Adolphe. Facteur d'instruments à vent en cuivre est né à Dinant, le 6 novembre 1814. Depuis l'atelier de son père établi à Bruxelles, il perfectionne ou met au point des instruments nouveaux (clarinette) ou existants (bugles, trombones, trompettes...) Installé à Paris en 1841, il s'adonne à son talent d'inventeur avec frénésie et fait breveter une quarantaine d'inventions diverses dont les plus célèbres sont le saxophone, dont le timbre en fait un instrument tout à fait original très apprécié par le compositeur Hector Berlioz, et le saxhorn. Sax joua un rôle très important dans la réorganisation des musiques militaires en France. Ces instruments font sa réputation et lui assurent un poste d'enseignant au conservatoire de Paris en 1857. Sa vie émaillée de procès fut très mouvementée. Il s'éteint à Paris le 4 février 1894 et repose au cimetière de Montmartre. Le 28 avril 1896, les membres du conseil communal de Dinant décident de rebaptiser la rue Neuve du nom du célèbre inventeur.
Évoquée dès le Moyen Âge, la légende des quatre fils Aymon rapporte que Renaud, Richard, Alard et Guichard, traqués à travers les forêts d'Ardennes par Charlemagne, leur suzerain, arrivèrent à Dinant. Sur le pont d'être capturés, les valeureux chevaliers montés sur le cheval Bayard s'avancèrent sur les bords d'une falaise et éperonnèrent leur fougueux destrier qui enfonça ses sabots dans le roc et franchit la Meuse d'un bon prodigieux. Dépité l'empereur abandonna la poursuite de ses vassaux rebelles.
Les Dinantais, qui ne sont pas en manque d'imagination, montraient naguère la trace que le formidable coursier de ces héros légendaires avait imprimé dans le rocher en prenant son élan (sur la face sud, on remarque une empreinte à la forme d'un fer à cheval attribuée au «cheval Bayard») Si ce récit relève du merveilleux, il a toutefois exercé une influence décisive sur l'appellation donnée au fameux monolithe. Cité dès 1355 sous le nom de «Pas Baiart» le rocher Bayard constituait au sud de Dinant une barrière naturelle dont le franchissement, par un très étroit sentier, était très difficile. Au XVIIe siècle, les habitants de la partie sud de la ville sollicitèrent bien légitimement du magistrat dinantais que ce dernier réalise une trouvée dans le rocher. En 1698, afin de faciliter le départ des Français de Dinant on procéda à l'élargissement de la brèche portant son ouverture à une largeur de près de 3 mètres. Ses dimensions actuelles sont d'environ 40 mètres de haut par rapport au fleuve et son passage est large de 3 m 50. Au pied du monolithe (côté du quartier des rivages), un cône de pierre inauguré en 1947 rappelle qu'en ce lieu se brisa l'extrême pointe de l'offensive des Ardennes, le 24 décembre 1944. Sur l'autre face orientée vers Anseremme, un mémorial en granito (1928), œuvre du sculpteur Alexandre Daoust, évoque la tragique disparition de Maurice Defoin, champion motocycle et cofondateur de l'Union Motor Dinant.
Le site du rocher Bayard couvrant une superficie de 140 m² et ses alentours ont fait l'objet d'un classement le 4 avril 1939.
Dans un cadre que l'on croirait tiré des plus beaux contes de fées, niché dans un méandre de la Haute-Meuse, entre Dinant et Givet, face aux falaises creusées par le fleuve, le château de Freyr se dresse dans son style Renaissance. Vingt générations se sont succédées au maintien et à la conservation de cette résidence ducale datant du XIVe siècle. Pas étonnant donc, que le domaine soit classé au Patrimoine exceptionnel de Wallonie. Le charme des lieux y a attiré Louis XIV, Stanislas Leszczynski, Marie-Christine d'Autriche ou encore le prince Naru Hito du Japon, etc.
En montant les escaliers, déjà, on s'émerveille de la beauté du lieu. L'ameublement et les décorations intérieures sont typiques d'une résidence d'été d'un aristocrate du XVIIIe siècle. De nombreux éléments sont d'origine, tel que le Grand Vestibule, impressionnant avec ses peintures murales de Frans Snyders et son plafond couvert de fresques Louis XV ou sa chapelle avec ses boiseries Régence et son autel baroque. Des lits à baldaquins, de grandes cheminées en marbre, des jouets, dont un délicieux carrosse pour enfants qui obtint le 1er prix lors de l'exposition universelle de Paris en 1889. Une collection de faïences sous forme de légumes ou gibier, présente l'art de la table du XVIIIe siècle. C'est amusant et parfaitement réussi ! De pièce en pièce, on en apprend de plus en plus sur l'histoire du lieu. A chaque fenêtre, notre regard est également attiré par la beauté des jardins dessinés façon «Le Nôtre» par le chanoine Guillaume de Beaufort-Spontin et agrandis par son frère Philippe en 1170.
Les jardins du château de Freyr datent du 18e siècle et ont une petite touche exotique avec les orangers dont certains ont entre 270 et 310 ans, ils sont les plus vieux d'Europe ! Début mai, des caisses en bois blanc sont sorties des orangeries où elles ont passé l'hiver et le jardinier les place pour habiller le jardin.
Au sommet des jardins, le pavillon Frederic Saal offre une vue exceptionnelle sur la vallée et séduit par ses stucs délicats. En 1863 une ligne de chemin de fer fut construite, elle coupa les jardins en deux au ras du pavillon, si son utilisation fut abandonnée un siècle plus tard, un rail subsiste encore aujourd'hui.
La transition entre la majesté des jardins et les étendues de forêts et de rocher est saisissante. Le spectacle semble intemporel. A l'exception de la route reliant Dinant à Givet, la vue n'aurait pas changé depuis le 18ème siècle.
Presque tous les villages des Ardennes possèdent un château ou une forteresse. Et dans les collines on trouve divers monastères et abbayes, où les moines ont commencé à brasser les bières devenues des icônes aujourd'hui.