2 Juin 2021
Pour que le coup de foudre avec une région ou une ville soit entier, à l'évidence, il ne suffit pas que la géographie des lieux vous séduise. Loin de là. Le plus important, bien sûr, ce sont les gens. Les autochtones, comme on dit. Un site peut-être aussi beau que la nature l'a voulu, s'il est occupé par d'acariâtres goujas, vous en conviendrez, cela ne facilite pas l'attachement (je ne citerai pas d'exemple pour ne vexer personne..). La magie des montagnes Vosgiennes - et de Gérardmer en particulier - c'est que, outre le ravissement des yeux, elles offrent celui de l'âme, par le caractère de leurs habitants.
La chaleur des Géromois (puisque c'est ainsi qu'on appelle ces montagnards affables) est la plus belle qui soit, de celles qui se découvrent lentement, s'offrent avec prudence, sans tricherie, sans théâtre, après quelques bouchées de pâté lorrain ; quand leur hospitalité vous est acquise, elle dévoile alors la plus profonde des générosités.
On pourrait, au premier abord, se plaindre que le train, quelque peu dédaigneux, ne s'y arrête plus depuis belle lurette, et qu'il faille rejoindre Gérardmer par la route depuis Épinal ou Remiremont mais à bien y réfléchir, c'est peut-être ce qui fait sa force. Voilà bien une perle, et donc un bijou rare, qui se mérite, qu'il faut aller chercher, qui se cache un peu, et que l'on trouve comme un trésor abrité sous la coquille de ses grands sapins.
D'abord, bénie des dieux de la nature, Gérardmer - contrairement à d'autres stations dont la fonte des neiges révèle aux beaux jours de bien vilains blocs de béton - sait soigner ses atours en toute saison. L'hiver son lac se couvre de glace, ses montagnes se drapent de blanc et invitent les skieurs, les promeneurs, à s'enivrer de grand air, avant de se réchauffer à l'âtre d'un cheminée.
L'été, elle étincelle dans un écrin de verdure, se parfume à la sève de ses épineux, et l'on se régale à marcher à l'ombre des cimes, à se baigner au soleil des plages aménagées près du lac, sur lequel voguent canoés, pédalos, bateaux à moteurs électriques et planches à voiles.
Il faut avoir vu, au début de l'aube, les tout premiers rayons du soleil venir caresser cette étendue d'eau encore enveloppée de brume pour comprendre pourquoi un festival du film fantastique y a élu domicile depuis presque trente ans : on flirte ici avec le féérique.
Attention, toutefois, si vous avez la lumineuse idée d'y séjourner, à ne pas vous tromper sur la prononciation du toponyme ! On dit bien «Gerarmé», car le suffixe de la ville n'a rien à voir avec quelque mer lointaine, mais avec le vieux français meix, qui désignait un champ : la vallée est si charmante que, au XIe siècle, Gérard d'Alsace, premier duc héréditaire de Lorraine, en fit son havre de nature favori. «Gérardmer», ce sont «les jardins de Gérard» !
Si la ville était déjà prisée depuis le Moyen Âge pour sa situation privilégiée entre lac et montagnes, elle connut une expansion prodigieuse au milieu du XIXe siècle grâce à l'industrie textile, qui fit la renommée des Hautes-Vosges. Sur ces terres, chaque famille possédait depuis fort longtemps son champ de lin, son métier à tisser, mais aussi une méthode ancestrale et unique pour blanchir et anoblir le textile - Une histoire passionnante, que l'on savoure en poussant la porte des tissages géromois. Ainsi, la révolution industrielle y trouva le territoire idéal pour répondre à la crise du coton, provoquée par la guerre de Sécession en Amérique. Dès 1850, Gérardmer connut un développement sans précédent, attirant non seulement des capitaux, mais aussi les touristes de tous horizons ! Lors, l'ancien relais de poste, devenu Hôtel de la poste puis Grand Hôtel - lieu de passage incontournable pour les épicuriens, aujourd'hui encore, en plein centre ville -, initia l'essor de l'hôtellerie de luxe.
Très vite de splendides villas s'érigèrent sur les coteaux qui entourent le lac, et la haute société européenne s'enticha de cette destination à la mode. Le 23 juillet 1875, Gérardmer fut d'ailleurs la première ville de France à ouvrir un office du tourisme, sous le nom de «Comité des promenades». N'hésitez pas à briller en société, la prochaine fois que quelque fanfaron prétendra devant vous que le premier office du tourisme fut celui de Grenoble : il n'ouvrit qu'en 1889 !
Et des promenades, justement, Gérardmer en offre toute l'année, aux excursionnistes de toute confession. Que vous soyez à pied, en ski, en raquette, à quatre ou deux-roues, la ville et ses environs regorgent de propositions. Quarante kilomètres de pistes de ski de descente au milieu des sapins, et 17 km de pistes de ski nordique. Trois cents kilomètres de parcours pédestres, des circuits de trail ou de VTT aux panoramas ensorcelants, des chapelets de virages étourdissants sur la célèbre route des Crêtes, qui traverse le massif des Vosges. Du Hohneck au col du Bonhomme en passant par celui dont le nom n'est prononçable qu'après un rituel d'initiation : le col de la Schlucht ! Après 20 minutes de route depuis Gérardmer, vous arrivez à ce col qui se trouve à 1.150 mètres d'altitude. Il est situé à la frontière entre l'Alsace et la Lorraine.
Depuis le col de la Schlucht, on rejoint le Gazon de Faing, pour parcourir un grand et magnifique circuit. Il faut partir de la station du Tanet et descendre le sentier jusqu'au lac vert situé à 1053 mètres d'altitude, dans ce cadre où la nature est reine, on en fait le tour pour bien profiter des paysages et prendre de belles photos. De là on se dirige jusqu'au lac Forlet, pour faire une pause, se rassasier ou simplement se rafraîchir, l'auberge du Forlet est idéalement placée sur le parcours !
Après le lac Forlet (lac des truites), l'ascension, ardue, démarre jusqu'au Gazon du Faing, un sommet de granit offrant une vue exceptionnelle sur les Vals d'Orbey et de Munster, (Alsace) quand le ciel est bien dégagé, on peut également apercevoir les Alpes. Ne pas sortir des chemins permet de respecter cette flore sauvage et abondante dont les tourbières appelées aussi faings.
Au cours de cette balade en montagne, on s'arrête à l'auberge du gazon de Faing, pour goûter à son fameux baeckeoffe, sa tarte au munster, et craquer pour sa tarte aux myrtilles. Cette auberge située à 1300 mètres d'altitude est accessible en voiture, à moto, en vélo, et bien sur à pieds. Ce sont les «marcaires», vachers et fromagers, qui ont accueilli les premiers randonneurs il y a de cela plus d'un siècle. La création du Club Vosgien et des premiers sentiers de randonnée a favorisé l'attractivité des fermes-auberges auprès des randonneurs.
La randonnée se poursuit, pour revenir à notre point de départ, Le Tanet. (12 km au total). Il n'y a pas une once de monotonie, on parcourt autant de forêts que de landes sur les crêtes, on gravit des rochers comme on côtoie des fermes et ses vaches. Et toujours ce spectacle des massifs vosgiens qu'on admire au bord de belvédères. Cette randonnée accessible à tous est assez longue, il faut compter, selon votre niveau, entre 4 à 6 heures de marche.
Pour parcourir le sentier des roches, nous partons à nouveau du col de la Schlucht pour rejoindre le sommet du Honeck (1363 m d'altitude ) l'un des plus séduisant des Vosges. Là aussi, la vue émerveille ! À 360°, on se sent tout petit face à l'immensité de ces paysages. Et quel plaisir d'observer vaches et chamois se partageant l'herbe fraîche du mont Hohneck. Il ne s'agit pas de la randonnée la plus facile, mais c'est incontestablement l'une des plus belles des Hautes-Vosges ! C'est un parcours assez physique et technique, qui rappelle les alpes. il est d'ailleurs interdit d'y accéder en temps de pluie ou en hiver. La randonnée (environ 5 heures) n'en est que plus belle par beau temps. Après cette épreuve physique, quoi de mieux qu'un bon repas traditionnel en ferme-auberge ? Peu importe le chemin emprunté, on ne peut pas les rater, même si certaines d'entres elles sont bien cachées.
À 3 kilomètres du Col de la Schlucht se trouve un jardin botanique perché entre 1210 et 1228 mètres : Ce jardin d'altitude du Haut Chitelet, nous fait découvrir plus de 2 500 espèces des régions froides ou montagneuses du monde entier. Des rocailles thématiques accueillent les plantes des principaux massifs français, européens mais aussi d'Amérique du Nord et d'Asie. Une place privilégiée est réservée à la flore vosgienne : plantes des forêts et des chaumes, flore des tourbières, fougères, arbustes montagnards, plantes médicinales...Le long de la Vologne, qui prend sa source dans le jardin, se développe une flore luxuriante qui apprécie les ambiances fraîches et humides.
Le parc naturel des Ballons des Vosges, c'est 2 700 km² de splendeur vierge, pour se promener ou se livrer à une myriade d'activités.
Si, comme en bien d'autres régions de notre vieux pays, les dernières décennies ont été synonymes, dans les Vosges, d'un recul des secteurs d'activité primaires et secondaires, Gérardmer, riche de son savoir-faire touristique, a su toutefois rester une ville dynamique, où le visiteur n'a pas une seconde pour s'ennuyer. Prévoyez même de reposer votre foie après tout séjour prolongé ; les géromois, ont des traditions culinaires héritées des traditions paysannes des Vosges : salade vosgienne, tête de veau, tofailles ( à base de pommes de terre, lard et viande fumée, oignons, beurre, vin blanc et poireaux) quiches, tourtes et terrines, pâté lorrain, beignets rapés de pommes de terre, Munster, tarte aux myrtilles (brimbelles), et bien d'autres... et quand ils tiennent la bouteille de mirabelle ou de pinot noir, ils ont la main prodigue...
Toute l'année, le jeudi et le samedi matin, vous pouvez par exemple rencontrer les producteurs locaux sur le marché de la ville de Gérardmer, et, en décembre, le scintillant marché de Noël s'y installe à son tour, fidèle à la tradition du Grand-Est.
Enfin, il serait impossible de parler de Gérardmer sans évoquer sa plus ancienne manifestation, la chatoyante Fête des Jonquilles, qui s'y tient tous les deux ans au mois d'avril, au moment de la floraison des jonquilles.
Le temps d'un week-end, les visiteurs viennent par dizaines de milliers assister à la parade rocambolesque d'une trentaine de chars bariolés, construits par des amateurs passionnés, qui rivalisent d'ingéniosité pour faire de ce «corso» dominical un spectacle inégalable. La veille de ce défilé, toutes les bonnes volontés de la ville et de la région sont invitées à participer au «piquage», qui consiste à recouvrir intégralement ces véhicules impressionnants de près de trois millions de jonquilles, afin que leur belle couleur jaune illumine Gérardmer le lendemain !.