19 Mai 2021
Le majestueux puy de Dôme, qui a donné son nom au département, toise de ses 1.465 mètres un chapelet de 80 volcans, géants alignés et immobiles, en forme de cône, de dôme ou de cratère. Sur leurs pentes ont grandi des châtaigniers, des sapins et des fleurs sauvages. Des troupeaux de vaches ruminent, imperturbables. En contrebas, la plaine de la Limagne avec, à perte de vue, champs, vignes et bourgs agricoles, relie Clermont-Ferrand au Bocage Bourbounnais. Ce périmètre unique, à la beauté sauvage et intrigante, attire des visiteurs du monde entier, scientifiques, volcanologues mais aussi randonneurs venus explorer un territoire d'exception.
Ce site, selon l'Unesco, «illustre de manière exceptionnelle le phénomène de rupture continentale - ou rifting - qui est l'une des cinq principales étapes de la tectonique des plaques». C'est ce que l'estimable institution écrivait en juillet 2018 au moment d'inscrire la chaîne des Puys (aussi appelée monts Dôme) et la faille de Limagne sur la liste du patrimoine mondial.
Les volcans d'Auvergne devenaient ainsi le premier site naturel de France métropolitaine à recevoir cette distinction. C'était justice au regard de la fantastique richesse du lieu, qui fit écrire au célèbre volcanologue Haroun Tazieff ▼
Je suis venu en Auvergne au terme d'une quinzaine d'années à parcourir le monde en quête d'éruptions. Je sais aujourd'hui que si j'avais fait «mes classes» sur nos puys, j'aurais gagné un temps immensément précieux - (Haroun Tazieff) -
Ces monuments naturels nous donnent une leçon de choses. Car la chaîne des puys demeure l'un des rares endroits au monde où l'on peut comprendre de visu, ce qu'est justement la fameuse tectonique des plaques. Nos continents sont issus d'une suite de fractures de l'écorce terrestre et de mouvements que l'on appelle «dérives». Volcans, narses (marécages du Massif Central) et autres maars (cratères occupés en général par un lac) témoignent de ces déplacements de l'écorce terrestre.
Tout a commencé par la faille de Limagne, vieille de 35 millions d'années et qui descend jusqu'à 3.000 mètres dans les entrailles de la Terre. Une succession d'éruptions volcaniques, les premières il y a «seulement» 100.000 ans, a ensuite forgé un enchaînement de cratères et de monts, avant que tout ce petit monde ne s'endorme. (Il y a moins de 8.000 ans pour les derniers).
La chaine des Puys pourrait-elle se réveiller, obligeant la population à évacuer la zone ? On ne peut l'exclure. Ses volcans sont en effet endormis, mais pas éteints. Ce ne sont pas les puys existants eux-mêmes qui exploseraient, mais de nouveaux volcans qui surgiraient. «Peut-être dans quelques mois, peut-être dans 2.000 ans, et sans doute jamais» rassure le volcanologue Jacques-Marie Bardintzeff, précisant qu'une éruption explosive comme celle qui conduisit à la genèse du puy de Dôme serait dévastatrice. La lave formerait un dôme avant de propulser dans le ciel des tonnes de débris rocheux. Un scénario catastrophe pour l'Auvergne !
Le géant à ciel ouvert, vieux de 30.000 ans, laisse apparaître une anatomie de strates et de cheminées parfaitement visibles.
Nous sommes dans le ventre d'un volcan. «De grandes marmites cachées partent des sources chaudes qui contiennent, au dire des médecins intéressés, tous les médicaments propres à toutes les maladies», relata Guy de Maupassant lorsqu'il vint en cure à Châtel-Guyon. L'eau, un autre miracle de la chaine des Puys, de par sa qualité et sa quantité. L'impluvium de Volvic, territoire de 3.800 hectares, donne naissance à l'eau minérale du même nom. Une eau qui a traversé pendant près de cinq ans six couches de roches volcaniques, son filtre naturel.
La grotte de la Pierre est une plongée au coeur d'un coulée de lave, celle issue du volcan de la Nugère, entré en éruption il y a 13.000 ans et qui a donné naissance à une roche "magmatique effusive" (formée sous l'eau par refroidissement rapide du magma) nommée trachyandésite. On découvre, dans un parcours-spectacle, les multiples utilisations de cette pierre volcanique (notamment pour la cathédrale de Clermont-Ferrand), la rudesse du travail des carriers (en charge de l'extraction) et enfin la découverte de la précieuse eau par l'un d'eux, un certain Jean Legay-Chevalier.
Dantesque, Magique, Inoubliable. La grande traversée du massif central, le GTMC, comme disent les connaisseurs, tient du mythe pour les VTTistes. Elle passe par des paysages impressionnants, variés et, surtout, très sauvages. Ceux qui prennent le temps de s'arrêter peuvent faire connaissance avec des plantes carnivores bien connues des botanistes, les rossolis.
Et il y a beaucoup à voir puisque plus de 1.500 espèces animales et végétales sont répertoriées dans cette seule réserve naturelle. Notre chemin mène ensuite jusqu'à l'un des lieux les plus sauvages de la randonnée, le lac de Saint-Alyre, d'où plusieurs ruisseaux s'échappent pour ronronner dans les pâturages.
Le monstre aquatique de 562 ha, c'est le lac de Saint-Étienne-Cantalès.
Blotti à une vingtaine de kilomètres à l'ouest d'Aurillac, ceint de collines, il semble insaisissable. L'ignorant ne peut pas soupçonner sa présence, car les routes le contournent prudemment et s'écartent pour tutoyer des lointains pâturages où paissent salers et limousines. Mais, lorsque, fait rarissime, un chemin aventureux pique vers le rivage, il apparaît brusquement. Un mirage ! Pourtant voilà longtemps déjà que deux rivières, la Cère et l'Authre, ainsi qu'une flopée de ruisseaux, ont pris possession des lieux. «Le barrage à l'origine du lac a été bâti pendant la Seconde Guerre Mondiale, sous la baguette d'un chef de la Résistance. Parmi les ouvriers du chantier figurait aussi le grand-père d'Éric Cantona», souligne notre ami Auvergnat, Bernard. Depuis l'inauguration du site, en 1945, l'eau et la terre ont fait alliance. Aujourd'hui les forêts touffues dévalent les pentes pour se mirer dans les flots. Et dès que le soleil rapplique, la surface se constelle de nuées d'embarcations. De mai à septembre, les adeptes des loisirs nautiques s'élancent de l'un des quatre ports de poche, Rénac, Ribeyres, Espinet ou le PUech des Ouilhes, pour entamer un drôle de ballet. Jet-Ski, pédalos, canoës, barques, catamarans et skis-nautiques se croisent sans relâche. Voilà qui pourrait être un peu agaçant. Mais ici règne l'entente cordiale. Tous respectent la loi du lac, une sorte de code de bonne conduite, avec priorités à droite, horaires de circulation et zones réservées. Le pré carré des véliplanchistes ? La presqu'île du Puech, carrefour des vents. Le bastion des fadas de vitesse ? La «Ligne droite», où les bolides vrombissent dans des gerbes d'écume...«Ce n'est pas nous qui prenons le lac, mais bien lui qui nous prend», résument Virginie et Philippe, bénévoles au club nautique.
Si je ne devais en retenir qu'un ce serait le village de Salers qui surplombe les vallées de l'Aspre, la Maronne et le Rat. Les Monts du Cantal avoisinants l'enserrent doucement, la protègent. Perle noire dans un panorama de verdure, le village se situe à l'entrée du Parc naturel régional des volcans d'Auvergne. ▼
Tout amateur d'univers lointain ou de voyage dans le temps apprécie Salers. En s'y baladant, on est comme transporté au XVIème siècle, avec ses hôtels particuliers et ses maisons à tourelles en pierre volcanique. Laquelle donne au village ce charme désuet, légèrement austère, qui ne laisse pas présager des trésors qu'il renferme. Telles, au sein de l'église Saint-Mathieu, cinq tapisseries d'Aubusson du XVIIIe siècle ! Rien d'étonnant à ce que cette cité cantalienne soit classée parmi les Plus Beaux Villages de France. Son environnement privilégié, alternant entre vallées glacières, forêts, herbages ou landes montagnardes à genêts en a fait le territoire privilégié pour développer une race bovine : La vache de Salers. Reconnue dans le monde entier, elle fait la fierté des éleveurs locaux, avec sa robe de couleur brun-acajou, ses poils longs et frisés, et ses longues et fines cornes en forme de lyre. Avec le Cantal, le Saint-Nectaire, la Fourme d'Ambert, et le bleu d'Auvergne, le Salers et l'un des 5 fromages AOP du territoire cantalien.
Entre patrimoine historique et vaches Salers, la petite cité vaut le détour, elle est séduisante avec ses maisons aux pierres apparentes, ses places et ruelles pavées de pierres de lave carrées et ses nombreuses échoppes artisanales et boutiques de souvenirs. Nous visitons le Musée de Templiers, dans l'une des plus belles demeures de la ville, l'ancienne commanderie des chevaliers de l'Ordre de Malte. Un guide passionné et passionnant nous contre l'histoire de ce charmant village.
En somme, il y a tant à faire et à découvrir en Auvergne, qu'on se doit de compléter le tout par de savoureuses spécialités locales, comme la truffade, le bourriol, le pounti, l'aligot ou le chou farci. Un délice !
Ce plat emblématique de l'Auvergne doit son nom au mot «Trufada» signifiant pomme de terre en patois. Plat typique, la truffade est très simple à préparer.
Bon Appétit.