13 Mai 2021
Dès que le soleil et la chaleur font leur apparition, nous nous précipitons sur les glaces et autres sorbets pour nous rafraîchir. Mais connaissez-vous leur origine ?
On dit qu'Abraham est le premier à avoir goûté à un verre de lait mélangé à de la neige. Une chose est sûre : deux mille ans avant J.-C., on trouve des glacière dans la vallée de l'Euphrate. Même si la pratique de boire glacé est dénoncée par Hippocrate, médecin grec du Ve siècle avant notre ère, Grecs et Romain améliorent les recettes. Néron à coutume d'offrir à ses invités un dessert composé de fruits écrasés, de miel et de neige. Neige qui vient par bateau de l'Etna et du Vésuve.
Les invasions barbares interrompent en Occident l'histoire de la glace qui devient une spécialité arabe. À Bagdad, au IXe siècle, les califes se délectent de sharâbs, ces sirops de fruits et de fleurs mélangés avec du sucre et de la glace. Si le sorbet est plaisir de prince, il est aussi gourmandise du peuple grâce aux nombreux marchands ambulants qui proposent de la «neige». L'art du sorbet se transmet en Sicile et en Andalousie, où une corporation de marchands va chercher la glace dans la sierra Nevada et la rapporte enveloppée dans des sacs de jute.
Les croisés font connaissance avec le sorbet dans leurs pérégrinations au Moyen-Orient, mais il faut attendre le XVIe siècle pour qu'il fasse son apparition à la cour de France. On le doit à l'Italie, où il régale les familles nobles, notamment les Médicis. Les guerres d'Italie, le mariage de Catherine de Médicis avec Henri II, puis celui de Henri IV avec Marie de Médicis le mettent définitivement à la mode. Mais il faudra attendre 1660 pour que la glace soit mise à la disposition du grand public. En effet, avant l'invention de la première glacière à Paris au XVIIe siècle, on utilisait la glace vive - dépourvue de neige - qui venait de loin. Sa conservation était difficile et onéreuse. Ce qui n'empêche pas le développement de recettes de crèmes glacées.
Le succès public vient avec Prancesco Procopio Dei Coltelli, un Palermitain, qui ouvre le café le Procope à Paris (il existe toujours, au 13, rue de l'Ancienne Comédie, dans la VIe arrondissement) où l'on sert du café, du chocolat, des boissons fruitées et fleuries et les fameux sorbets qui font fureur. La glace va se répandre partout, en Angleterre, en Espagne, et ...aux États-Unis. Et cela malgré les mises en garde de certains pour qui l'usage de la glace est «pernicieux», mortifère et cause d'étranges accidents au corps humain : elle y fait naître des coliques, des tremblements, des convulsions horribles ...peut-on lire dans l'Art de bien traiter (1674)
À la veille de la révolution, le café Procope en propose 80 à sa carte : jasmin, ambre, pistache, truffe, jonquille, bigarade, violette, menthe, girofle, bergamote, raisin, noix, amande ...Ils sont plus de 150 limonadiers à vendre des «glaces de fruits et de fleurs». Diderot, Rousseau, Buffon font partie des adeptes, tout comme Danton et Robespierre.
La sorbetière, que l'on dit inventée par les Chinois, devient un ustensile classique des familles bourgeoises du XVIIIe siècle et les grands cuisiniers rivalisent de créativité pour inventer de nouvelles recettes.
Louis XV adore la glace aux macarons et, parait-il, la fabrique lui-même. Au XIXe siècle, les glaces entrent dans les meilleurs restaurants. Auguste Escoffier, celui qu'on surnommait «le chef des rois et le roi des chefs» a fait rayonner la gastronomie française dans le monde entier, grâce à des créations aussi délicieuses qu'originales. Auteur de plusieurs livres de cuisine - dont «le Guide Culinaire» (1903), encore utilisé par bon nombre des plus grands chefs d'aujourd'hui - le cuisinier français a aussi créé, vers 1864, «la poire Belle-Hélène». Ce succulent dessert confectionné à base de poires pochées, nappées d'une sauce au chocolat et la délicate «pêche Melba». Encore abondamment consommée de nos jours, «La pêche Melba» a pour origine une rencontre inattendue entre une grand cantatrice à la renommée mondiale et un chef cuisinier de même envergure. En effet, star incontestée du chant d'Opéra, l'australienne Nellie Melba chantait, en 1894, au Covent Garden de Londres. Alors qu'elle logeait au Savoy Hôtel, la chanteuse fut alors mise en relation avec Auguste Escoffier, lequel dirigeait - à cette époque - les cuisines de ce grand établissement. Ravie par cet entretien, «Madame Melba» offrit gracieusement deux places au chef, pour assister à l'opéra «Lohengrin», adapté de l'oeuvre de Wagner. En guise de remerciement, Auguste Escoffier confectionna - le lendemain - un dessert à l'allure particulière.
Au milieu des ailes d'un cygne - taillé dans un bloc de glace - apparaissait une timbale remplie d'une crème glacée vanillée ; surmontée de pêches blanches pochées, elles-mêmes enrobées d'un sirop vanillé, d'une purée de framboises fraîches et d'un léger voile de sucre filé. Très apprécié par la cantatrice et ses convives le dessert sera d'abord baptisé sous le nom de «pêche au cygne» ; avant d'être finalement renommé «Pêche Melba», à l'occasion de l'ouverture du Carlton de Londres, en 1899.
Les glaces prennent aussi le chemin des rues avec l'apparition de marchands ambulants. La première machine à fabriquer des glaçons est présentée en 1859 à l'Exposition universelle de Londres. Et c'est en 1904, à la foire internationale de Saint-Louis aux États-Unis que le cornet de glace voit le jour. Arnorld Fornachou, vendeur de glaces, se retrouve subitement, en plein milieu de l'après-midi, à court d'assiettes en carton pour servir ses clients. Dans le stand qui jouxte le sien, un boulanger syrien, Ernest Hamwi, propose pour sa part à ses clients de délicieuses gaufres. Dans le Missouri de 1904, les appétissantes gaufres de Hamwu ressemblent davantage à de grosses crêpes rondes et bien plates, plutôt qu'à la pâtisserie rectangulaire quadrillée d'alvéoles que nous connaissons. Solidaire de son voisin désemparé, Hamwi lui suggère de servir ses glaces sur ses gaufres. Fornachou saute immédiatement sur l'occasion et instinctivement, il roule les gaufres en forme de cône pour y placer sa crème glacée. Le cornet de glace vient de naître.
En 1922, on plante un bâtonnet dans la glace pour le côté pratique : c'est l'apparition de l'esquimau.
Avec l'arrivée du congélateur, cette fois, glaces et sorbets sont prêts à faire le tour du monde et ne vont pas s'en priver. Et il y en a pour tous les goûts sous différentes formes, des sorbets aux agrumes comme en Italie, des esquimaux au matcha, des coupes coiffées de fruits frais et de chantilly...Il y a de quoi se régaler ! Mais trouver les meilleures glaces n'est pas aussi facile qu'on le croit, même si c'est un dessert populaire. La glace souffre justement de cette popularité et se retrouve vraiment dans n'importe quel restaurant ou autres petites enseignes de centres commerciaux et bien souvent ces glaces proviennent de producteurs industriels. A quoi bon manger des glaces industrielles ? Les meilleurs glaces nous laissent un souvenir impérissable...
Une bonne glace est d'abord faite avec de bons produits : du lait frais entier, de la crème et des oeufs frais, du sucre et des arômes provenant de fruits frais, de grands crus de vanille ou de chocolat....Il y a mille et une recettes de glace, mais chacune doit être équilibrée, avec environ 40 % de matière sèche, le reste étant de l'eau. S'il n'y a pas assez de matières grasses, votre glace sera trop dure, et elle va vous geler le palais au moment de la dégustation ; s'il y en a trop, elle risque d'être granuleuse en bouche. Une bonne glace doit être à la fois lisse, souple, onctueuse, crémeuse, légère. Et fondante à la dégustation.
Un sorbet doit vous rappeler le fruité ou l'acidité que vous trouvez dans la nature. Pour une glace à la vanille, le parfum doit être le même que si vous veniez d'égrainer une gousse...La règle est simple : la couleur doit être naturelle. C'est une question de cohérence. La banane est donc blanche voire grisâtre, la pistache de la couleur d'une pistache et non verte brillante, etc. Les colorants se reconnaissent d'emblée, ils se traduisent pas des couleurs trop vives.
Bien entendu, une glace donne toujours un peu soif car elle contient des graisses et du sucre. Mais si le désir de boire persiste, cela signifie que les graisses et les matières premières utilisées sont de mauvaise qualité, comme c'est souvent le cas pour les glaces industrielles.
Pour aider les gourmands à se repérer, la CNGF, qui fédère 151 glaciers sur 410 exerçant exclusivement ce métier, a conçu une charte de qualité et la marque «glaces artisanales de France». Le glacier certifié ne doit proposer que des sorbets «plein fruit» et une majorité de crèmes glacées. La présence du logo sur la devanture d'un commerce constitue donc un repère de qualité pour les consommateurs. Ne vous laissez pas duper par l'intitulé «fabrication maison», qui peut être légalement utilisé pour des glaces industrielles puisqu'elles sont effectivement élaborées sur place, ni par le terme générique de glacier, qui n'est pas protégé et désigne aussi bien un fabricant de glaces qu'un simple vendeur. Quant à l'appellation «maître glacier», elle ne revêt aucun sens particulier, mais crée la confusion avec celle de «maitre artisan glacier», qui, elle, est protégée.