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Voyage inoubliable en Sierra Leone !

Bon d'abord, si vous ne savez pas où est la Sierra Leone, c'est normal ! 

Cette ancienne colonie britannique est un tout petit pays d'Afrique de l'Ouest, bordé par l'océan Atlantique,  en gros entre le Sénégal au Nord, et la Côte d'Ivoire à l'Est. 70.000 km², la taille d'une région française. Sa capitale est Freetown. L'économie du pays est principalement basée sur les exploitations minières de diamant et d'or,  pourtant ce pays est l'un des plus pauvres de la planète. Pauvre et en même temps très riche, c'est ça toute l'histoire !

Nous y étions en décembre 1991. Avant la guerre civile, la Sierra Léone était un lieu de prédilection pour beaucoup de touristes français. Les plages magnifiques de sable blanc et un climat tropical la faisaient paraître comme un paradis.  

Nous atterrissons à l'aéroport  international de Lungi, situé de l'autre côté d'un large estuaire et à quatre heures de route de FreetownLe vol Paris-Sierra Léone avait duré plus de 23 heures, il comprenait une escale aux Canaries, et une autre à Ouagadougou au Burkina Fasso.  Il faisait nuit, et pourtant un marché nocturne éclairé à la bougie se tenait à l'extérieur.  L'aéroport de Freetown est probablement l'un des points d'arrivée les plus difficiles au monde, séparé de la capitale par un large estuaire. Les options de transport étaient d'abord des bus rouillés, puis des ferries rouillés, et de petits hors-bords.  

Un autobus délabré,  réservé par notre hôtel,  nous attendait à la sortie de l'aéroport pour rejoindre un embarcadère. Ce tas de ferraille roulant à vive allure, avait un plancher qui laissait entrevoir la route défilant sous nos yeux effarés, quand soudain un bruit s'est fait entendre : nous venions de perdre le pare-chocs et nous avions roulé dessus. La route n'était pas éclairée du tout, il n'y avait que les phares des deux-roues et des voitures, de faible luminosité. Difficile de discerner les silhouettes qui longeaient la route mais on  remarquait facilement  des cases éclairées à l'aide de simples bougies. L'incroyable pauvreté de la Sierra Leone, était  clairement visible partout sur le bord de la route et n'invitait pas à s'arrêter.  Après un temps au goût d'éternité,  le chauffeur nous dépose dans un port insalubre, sur lequel nous avons du patienter une bonne heure avant de pouvoir prendre un ferry, seul moyen de rejoindre notre hôtel situé au pied de la montagne du Lion. 

Un hors bord baptisé Aphrodite qui ne pouvait emporter que 8 personnes à la fois,  fit d'incessants va et vient, pour conduire les 38 vacanciers français, à bord d'un gros bateau amarré au large. Ce dernier se nommait Adélaïde ! Nous montons tant bien que mal à bord de ce cargo à l'aide d'un escalier en corde très instable, puis nous prenons place sur des sièges crasseux,  qui avaient sans doute été ceux, bien auparavant, d'un avion de ligne.  Faire la traversée pendant 4 heures,  dans un vieux ferry bruyant, crachant une fumée noire, et se déplaçant à la vitesse d'un escargot dans des eaux agitées,  sans visibilité, était vraiment pénible. 

Nous apercevons enfin les lumières de notre hôtel construit entre plage et jungle et adossé à une majestueuse montagne. Il s'agissait de l'«Africana Tokey Village» qui paraissait avoir été construit pour Robinson. 

Au lever du jour, nous quittons l'Adélaïde pour reprendre l'Aphrodite, nous laissant à une dizaine de mètres de la plage. L'hôtel n'avait pas de ponton. Soit nous prenions notre premier bain de mer tout habillés, soit des porteurs Sierra-Léonais se dévouaient pour nous soulever du hors bord et nous transporter sur la plage. Épique !  

Après quelques heures de sommeil réparateur dans un bungalow plutôt confortable,  le moment était enfin venu de découvrir le super site de «River Number Two», l'une des plus belles plages de l'Afrique de l'Ouest, ou avait été conçu, dans un jardin tropical, un «village hôtel», avec autour de grandes demeures de bois blanc de style colonial (restaurants, bars, salons, boutiques, night-club et casino), une centaine de bungalows créoles en bois, simples et confortables, et 15 villas comprenant chacune trois suites indépendantes. L'hôtel employait jusqu'à 600 employés à son apogée. Les invités qui nous avaient précédés, se nommaient François Mitterrand, Johnny Halliday, et autres célébrités dont UB40 (groupe de reggae britannique). Eux avaient eu le privilège d'être transportés depuis l'aéroport en hélicoptère !

A ceux qui voulaient davantage que la piscine, la plage et diverses activités sportives dont la pêche au gros, des excursions étaient proposées  : promenades en mer vers les îles Bananes, visite de Freetown, balades en 4x4 à l'intérieur des terres...

La vidéo promotionnelle ci-dessous date de la période faste de  l'«Africana Tokey Village»  

Ce complexe a continué de fonctionner jusqu'au début des années 1990, ensuite les installations ont été fermées et les touristes ont reçu l'ordre d'arrêter de venir. L'hôtel a été abandonné pendant la terrible guerre  et les rebelles l'ont pillé et détruit. 

La Sierra Léone c'est 644 km de côtes, de l'eau à profusion, des pâturages, des forêts. Du riz, du manioc, des palmiers, du café, du cacao, du tabac, du gingembre, des noix de coco, des bananes. Et puis de l'élevage, de la pêche côtière, des bois précieux,  des mines : diamants, or, bauxite etc...Avec tout ça les 4 millions et demi de Sierra-Léonais devaient pouvoir boucler leurs fins de mois...Boucler leurs fins de mois ? La question n'était pas d'actualité ! Leur préoccupation majeur était de s'éloigner le plus possible des zones contrôlées par les guerriers, afin de préserver leurs bras et leurs jambes ! 

Village de Tokeh 

Nous nous rendons au village de Tokeh, où les villageois vivent de la pêche, et du travail manuel. Ils étaient plus que disposés à nous offrir un aperçu de leur vie. Nous les regardons fumer le poisson, et travailler les objets en bois précieux qu'ils vendent aux touristes. les maisons ont une structure d'argile et de terre, construites avec des toits en chaume. Les cuisines sont souvent situées en dehors de la maison principale, et peuvent être des structures ouvertes avec seulement un toit. Des pierres constituent le foyer de cuisson dans lequel il font bruler du bois. Cette même zone est aussi un lieu où les enfants se réunissent pour entendre des histoires racontées par leurs aînés.  Nous visitons l'école du village, dans laquelle l'instituteur nous donne un magistral cours de Français. Pour le remercier, nous glissons quelques billets dans un carton prévu à cet effet.  Lorsque nous avons quitté l'école, des enfants réunis devant  se mirent à chanter,  ce fut un grand  moment rempli d'émotions. Puis nous nous baladons entre les huttes fumantes et malodorantes. Des tripailles de porcs étaient restées à même le sol sous la chaleur suffocante ! Il s'en dégageait une odeur pestilentielle ! Les villageois riaient de nos mines décomposées, répétant inlassablement  : «ce n'est vraiment pas bon pour les blanches» ! Des poules, des chèvres et des porcs se promenaient librement ! Les hommes s'occupaient des gros travaux: construire et réparer les cases, grimper le long de troncs pour cueillir certains fruits. Les femmes faisaient le reste : elles pressaient les fruits du palmier pour en récolter de l'huile, préparaient les bâtons de manioc, décortiquaient les arachides, coupaient du petit bois pour le feu.  Elles s'occupaient des enfants, faisaient la cuisine, cousaient des vêtements...etc. Mais la plupart des villageois étaient employés à hôtel tout proche. Comment ne pas être touchés par tous ces gens qui vivaient avec si peu par rapport à nous. Et pourtant, ils nous accueillirent en amis, sans nous connaître. 

Les îles Bananes 

Les îles Banana sont un groupe d'îles situées au sud-ouest de la péninsule de Freetown. Nous nous y rendons en pirogue motorisée. Cet archipel est tristement célèbre pour avoir été l'un des principaux postes d'Afrique de l'Ouest pour le commerce des esclaves vers les Amériques. Les îles Bananes sont composées de trois îles : Diblin, Ricketts et Mes-Meheux qui est inhabitée - les habitants de Diblin vivent essentiellement de la pêche et du tourisme.  Nous passons une demi-journée de randonnée qui nous introduit dans le monde de la flore et de la faune riche : des oiseaux, des singes, etc.... mais surtout des serpents. C'est bien connu, dans les pays tropicaux, on a nettement plus de risques de se heurter à un serpent venimeux, surtout lors d'excursions dans la forêt tropicale. Pour éviter une rencontre peu sympathique, notre guide muni d'une pompe à venin, nous conseille de taper des pieds le plus souvent possible et d'écarter les feuillages devant soi avec un bâton pour effrayer les indésirables. En effet, la majorité des serpents ont aussi peur de nous, sinon plus, que nous n'avons peur d'eux. Toutefois, nous n'étions pas rassurés !  Durant cette promenade nous avons rencontré les gentils habitants d'un village de pêcheurs, exploré les profondeurs d'une grotte à chauves-souris et les vestiges d'une église anglicane, construite par les premiers marins du 17è siècle, témoignant d'une histoire mouvementée.  La visite s'est clôturée par un délicieux repas sur une plage sublime, il était composé de poissons frais, de fruits de mer,  et présenté sur une table de fortune avec en guise de nappe des feuilles de bananiers.  En parlant de nourriture,  on n'avait jamais mangé des ananas, des bananes, des mangues et bu du lait de coco aussi bons que là-bas ! Le goût n'avait rien à voir avec ce qu'on connait ici en France ! 

Freetown 

La capitale de la Sierra Leone se distingue par sa situation géographique au bord de l'Atlantique et par son air caraïbe. La ville s'étire sur un paysage de collines, sur les versants desquelles on aperçoit de belles villas. Freetown cache en fait de multiples surprises dont des maisons en planches vieillissantes de l'époque coloniale dispersées dans la capitale. Certaines ressemblent davantage à celles de la côte est de l'Amérique du XVIIIe siècle, elles n'ont ni eau, ni électricité. Nous sommes également impressionnés par les nombreuses boutiques de fortune dans les rues. Parfois Le choc est assez violent : En plein centre ville nous marchons dans des rues défoncées où les eaux sales croupissent, et dans lesquelles des enfants jouent  !  Nous devons rester vigilants entre les véhicules, le marché et les rigoles profondes. C'était également difficile d'être soudainement confrontés à tant de bruit, de pollution, de chaleur et d'humidité. Ce qui nous a surpris également, c'était l'apparente absence de classe moyenne. Nous ne voyons que des extrêmes : Pauvreté ou richesse. 

En parlant de richesse notre guide nous conduit devant une vitrine dont les énormes grilles s'apparentaient à celles d'une prison. C'était une bijouterie !  Dans cette boutique richement décorée, nous sommes reçus par un Libanais qui nous propose des bijoux, et des diamants de toutes les grosseurs et couleurs. Malgré l'extase,  nous ne nous attardons pas ! Cette situation nous apparaissait absurde - un diamant peut valoir facilement plusieurs milliers de dollars, tandis que les miséreux dans la rue, ne semblaient pas avoir perdu toute joie de vivre ...

(Le commerce illégal et légal des diamants était essentiellement contrôlé par l'importante communauté libanaise vivant en Sierra Leone. Pendant des décennies, elle a exercé un quasi-monopole sur le commerce dans ce pauvre pays) 

Nous nous rendons au pied du «Cotton Tree», cet arbre qui est le plus vieux cotonnier de Freetown. Selon la légende, le «Cotton Tree» a pris de l'importance en 1792 lorsqu'un groupe d'anciens esclaves afro-américains qui avait gagné leur liberté en combattant les Britanniques pendant la guerre d'indépendance américaine, s'est installé sur le site de Freetown. Ils auraient atterri sur le rivage et se sont approchés d'un arbre géant juste au-dessus de la baie et y ont organisé un service d'action de grâce, se sont rassemblés autour et ont prié et chanté des hymnes pour remercier Dieu de leur délivrance vers une terre libre. Ces Africains nouvellement arrivés ont donné à la capitale le nom qu'elle porte aujourd'hui. «Freetown».  Les Sierra-Léonais prient et font des offrandes à leurs ancêtres pour la paix et la prospérité sous ce cotonnier qui existe depuis 1787. Quelques femmes vendent sur les trottoirs, de grosses noix de coco, dont le lait rafraichissant nous sort brièvement de l'écrasante torpeur de la ville. 

Nous n'avons qu'une hâte, retrouver notre paradis,   à  20 minutes en bateau,  du bruit et de la poussière de Freetown.  

La Sierra Léone est un pays de contrastes et parfois de contradictions évidentes. 

Dans la Brousse 

Plus que ses richesses minières, à l'intérieur des terres, ce territoire héberge de superbes paysages,  dominés par un magnifique plateau de forêts, traversé, entre autres, par la rivière Sewa. 

Nous empruntons une piste après avoir passé quelques check-point et donné de l'argent à des soldats armés.   Les paysages sont magnifiques, le contraste des couleurs est saisissant, c'est très vert, rivière, marais, rizières, palmiers. On croise des villages remplis de cases mais aussi de belles maisons ! nous sommes dans la brousse ! Les pistes de couleur ocre sont impressionnantes. Les lieux que nous traversons sont propres et paisibles comparés à Freetown. Mais certaines pistes sont difficilement praticables en 4X4. Nous serons vite amenés à rebrousser chemin d'autant que des rebelles sauvages et vicieux, nous barrent souvent la route pour nous réclamer de l'argent. La Sierra Léone était à l'époque un pays très dangereux, nous en avons pris conscience  sur place.

Nous passons nos derniers jours de vacances sans sortir de notre hôtel. Nous profitons de la douceur de vivre dans cet endroit paradisiaque....pendant que les Sierra-Léonais, cités dans les derniers au classement des pays les plus pauvres au monde, étaient embarqués dans une guerre civile terrible et immonde qui dura 11 ans, ravagea la population et  se termina  officiellement en 2002.  Peu de pays ont dépassé la part des malheurs de la Sierra Leone. Au cours de sa guerre civile, des dizaines de milliers de personnes ont perdu la vie, d'innombrables autres ont subi des mutilations ou des viols et plus d'un tiers de la population a été déplacée. Des milliers de garçons et de filles, dans certains cas, dont l'âge était à 1 chiffre, ont combattu pendant la guerre civile. La plupart ont été enrôlés de force, avec des initiations qui impliquaient souvent de mutiler ou d'assassiner des membres de leur propre famille !

Au cours des 15 dernières années

Freetown

Quatre inondations majeures ont affecté plus de 220 000 personnes en Sierra Leone et causé des dommages économiques graves, selon la Banque Mondiale. Celle du mois d'août 2017 a été la plus meurtrière, avec un bilan officiel de 1 141 morts et disparus. La Sierra Leone a également été confrontée à plusieurs urgences sanitaires, notamment une épidémie de choléra, une épidémie de maladie à virus Ebola, et la pandémie de Covid19.  Comble de tout, l'administration de l'ex-président sierra-léonais,  aurait détourné plus d'un milliard de dollars de fonds publics entre 2015 et 2018. 

Aujourd'hui, depuis l'aéroport de Lungi, l'accès à la capitale est toujours aussi difficile. Par la route, le trajet peut prendre entre quatre et cinq heures. Un navire hydroglisseur peut assurer la liaison mais ne fonctionne que quelques semaines par an. Un ferry relie l'aéroport à la capitale, mais il est souvent surchargé et le temps d'attente est très long. Enfin, la traversée peut être faite grâce à un bateau hors-bord, à la sécurité/ régularité sujettes à caution. 👉 Source 

Pour la population locale, c'est toujours le cauchemar, car au pays des diamants, on ne possède pas grand chose. Si ce n'est un passé douloureux, et un futur incertain.

Mais la force avec laquelle l'être humain peut se battre pour survivre, me fascinera toujours ! 

En 2003, le fils du propriétaire de l'hôtel «Africana Tokey Village», est retourné en Sierra Leone pour rénover les propriétés de son père et reconstruire le complexe. Tokey Beach Resort a ouvert en 2011 avec Tokey Sands, un complexe de 18 chambres avec restaurant et bar. Tokey Palms, un complexe de 16 suites, a été achevé en 2013, les extensions et le développement continueraient. 

Si il était très audacieux de se rendre en Sierra Leone il y a 30 ans, cette destination  hors du commun reste celle de tous les dangers.   

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