3 Février 2021
Yamoussoukro est située à 240 kilomètres au nord d'Abidjan qui est la capitale économique du pays.
Autrefois, Yamoussoukro était un petit village nommé N'Gokro. Le nom a été changé en souvenir d'une reine de Baoulé appelée Yamousso, on y a ajouté Kro, qui veut dire village en langue baoulé. Yamoussoukro signifie «Village de la reine Yamoussou».
Il y a 37 ans, le président Félix Houphouët-Boigny transférait la capitale de la Côte d'ivoire à Yamoussoukro. D'immenses chantiers ont été lancés pour la transformer en ville moderne : aéroport international, institut polytechnique, palais présidentiel, et aussi le plus grand lieu de culte chrétien du monde ! Mais le transfert des institutions n'a jamais eu lieu.
Sur l'un des immenses boulevards de Yamoussoukro, trois voitures zigzaguent en tous sens pour contourner les innombrables nids-de-poule. L'image résume l'état de la capitale administrative ivoirienne : démesurée et quelque peu délaissée. A «Yakro» règne une atmosphère de capitale fantôme : de vastes étendues colonisées par les hautes herbes, de rares écoliers déambulant sur des trottoirs géants, d'immenses édifices quasiment vides et le sentiment qu'une modeste bourgade est venue habiter un décor de mégapole au beau milieu de la jungle ivoirienne. Mais on respire mieux qu'à Abidjan, congestionnée dans ses embouteillages permanents et son air pollué.
Yamoussoukro incarne surtout le délire d'un Président qui a voulu faire de son petit village le centre du monde et qui a dépensé, sans compter, pour réaliser son rêve dans une ville qui n'a de capitale que le nom.
Les 4 principaux bâtiments de Yamoussoukro sont très impressionnants. Ils sont situés aux 4 points cardinaux de la ville : La Préfecture au nord, la Fondation au sud, l'Hôtel du Président à l'est et la Basilique Notre-Dame-de-La-Paix à l'ouest. Les premières lettres de chaque édifice mises bout à bout forment les initiales du Président Félix Houphouët-Boigny. Il fallait y penser !
Au pied de la Basilique Notre-Dame-de-la-Paix, nous sommes éblouis par tant de beauté mais aussi surpris de la voir, plantée là au milieu de nulle part..▼
Passé l'étonnement, il ne reste plus qu'à la visiter et admirer de près cette prouesse architecturale réalisée par Pierre Fakhoury, Ivoiro-Libanais architecte en chef de Félix Houphouët-Boigny, et Louis-Antoine Césario, directeur des grands travaux de Côte-d'Ivoire.
Le poids de la partie centrale est estimé à 98 000 tonnes.
A travers cette oeuvre colossale, l'ancien Président voulait réaffirmer sa foi catholique face à la montée de l'Islam dans son pays. Le 10 Août 1985, lors de sa seconde visite en Côte d'ivoire, Jean-Paul II bénit la première pierre placée sous la Basilique actuelle. Un an plus tard, les premiers coups de pioche font démarrer les travaux de l'énorme chantier. Trois bonnes années s'écouleront, temps record pour une réalisation d'une telle envergure, avant que la nouvelle église soit bénie. La basilique fut officiellement consacrée par le Pape en septembre 1990.
Une immense colonnade incurvée délimite la grande place de trois hectares, la construction elliptique autour de la place forme un imposant péristyle à deux rangées de cent vingt-huit colonnes doriques. Quatre chapelles dédiées aux quatre Evangélistes couronnent le tout. Celle situé au Nord-Est, dédiée à Saint-Jean, cache sous sa coupole sept cloches de bronze ; la plus grosse, le bourdon, pèse 4300 kilos. Coulées à Orléans, en France, dans la fonderie à tradition familiale des Bollé, suspendues à une charpente en iroko, bois venant du coeur du pays. Des mètres carrés de marbre venant d'Italie, d'Espagne et du Portugal, s'étalent comme un tapis coloré, en dessins géométriques et en rosaces sur le sol de la basilique et sur le parvis qui l'entoure.
Pour qui regarde du parvis les fûts cannelés de ses 84 colonnes doriques, ceux-ci soutiennent un énorme plancher fait de larges surfaces carrées et rectangulaires de caissons de staff. Ce plafond, outre sa fonction décorative, protège les verrières de l'entrée de la Basilique et sert d'abri contre le soleil à tous ceux qui, pendant les grandes cérémonies, n'ont pas trouvé de place à l'intérieur.
L'ensemble de l'édifice a été dimensionné au regard des règles architecturales classiques et des capacités d'accueil définies par le Maître d'ouvrage lui-même :
C'est donc un ordre de 200 000 personnes qui peuvent être rassemblées ici.
Dès l'entrée, on est surpris par la fraîcheur et la demi-ombre envahissant un immense espace.
Un ensemble de colonnes doriques et ioniques géantes ( plus de 30 mètres de haut) entoure le sanctuaire et s'élance vers le déambulatoire et la coupole dont on admire les proportions harmonieuses. Alors que les colonnes doriques sont pleines, les douze colonnes ioniques sont creuses. Elles sont numérotées car elles cachent six escaliers et quatre ascenseurs qui permettent d'atteindre le déambulatoire des Apôtres et les terrasses extérieures. Deux d'entre elles ont un rôle purement technique et abritent des câbles.
La coupole de forme hémisphérique, légèrement ogivale, haute de 60 mètres et d'un diamètre de 90 mètres, elle est parmi les plus grandes du monde. Ce qu'elle pourrait avoir d'écrasant est corrigé par les lignes verticales des colonnes, des colonnettes doubles et des nervures du dôme lui-même, lesquelles lignes élancent tout le bâtiment vers le ciel. Ce dôme doit son allure à des milliers de plaques d'aluminium laqué, installées sur une charpente en acier galvanisé.
Au centre de la basilique, sous la coupole, un très haut baldaquin de laiton et de bronze surplombe le maître-autel. L'ensemble brille de la couleur dorée du laiton poli à laquelle s'ajoutent les reflets multicolores de la lumière des vitraux. Au sommet du baldaquin s'élève vers le ciel une croix dorée soutenue par une sphère terrestre, insigne royal. Vers elle convergent des rameaux de palmier rappelant l'entrée triomphale de Jésus à Jérusalem et soulignant encore la royauté du Christ. Une grande coupole bleu foncé (de près de sept mètres de diamètre), figurant le ciel avec ses losanges étoile de couleur jaune, domine l'autel. Dans son intérieur, elle cache des projecteurs qui éclairent le magnifique lustre électrique à la française. Ses pendeloques en verre opalescent, enfilées sur de longues tiges pendues au bord de la coupole ou descendant de son centre permettent d'obtenir de riches effets de diffraction de la lumière.
Au coeur de l'église, sur une estrade circulaire, la table de la messe s'expose aux regards de tous les visiteurs. Elle est en marbre, ses bords sont légèrement ondulés pour lui donner la délicatesse d'un tissu qui le recouvrirait.
Les 24 grands vitraux disposés autour du sanctuaire composent une véritable paroi de verre dans laquelle seules les colonnes doriques s'engagent. Dans l'émerveillement du soleil tropical, ils exposent et communiquent visuellement l'enseigne biblique. Cet "art de peindre avec la lumière", typique de l'architecture des églises catholiques, a servi de "Bible en images" aux illettrés de l'époque de son épanouissement, c'est à dire au Moyen Age. Là il s'associe au goût de l'Africain pour la couleur.
D'une surface totale jamais égalée, les vitraux de Yamoussoukro rivalisent avec ceux qui font la gloire des grandes cathédrales gothiques. Ils doivent leurs coloris à l'ancienne technique de fabrication du verre antique. L'ensemble, l'exploit de l'équipe de "France Vitrail International", étincelle de bleus, de rouges, de jaunes et aussi et verts de la végétation africaine.
Pour jouir d'une vue d'ensemble des jardins, d'un vaste panorama sur la ville de Yamoussoukro et sur la savane qui l'entoure, il faut sortir par l'une des 24 portes qui font communiquer le déambulatoire des Apôtres et les larges terrasses entourant le tambour.
On domine alors de 34 mètres les vastes terrains de 135 hectares autour de la basilique, et votre vue de promène sur des espaces de verdure, sur des bâtiments surgis du sol. Dans la lumière et la chaleur étouffante du soleil, l'axe principal de cet ensemble ordonné fuit à l'horizon : c'est une allée de marbre et de granit d'un kilomètre de long où aucun arbre n'arrête le regard.
Derrière la Basilique, deux bâtiments rigoureusement identiques se laissent apercevoir.
Parfaitement équilibrés, dominés par la ligne droite dans la répartition de leur masses architecturales et dans leur sobre décoration, ils sont d'un pur style néo-classique. Par la présence de colonnes, par leurs coloris, par le choix des matériaux, ils s'harmonisent avec le sanctuaire. L'un, celui du Sud-est, est destiné à l'accueil du Saint-Père et de sa suite lors de ses visites en Côte-d'Ivoire. L'autre, celui du Sud-Ouest, abrite les bureaux et les logements du rectorat. A l'entrée trois bâtiments construits après l'achèvement de l'oeuvre d'ensemble sont destinés à l'accueil pratique des visiteurs, et toutes les commandes techniques : son, éclairage, sonnerie des cloches, climatisation...se font depuis une salle spéciale : le synoptique, qui se trouve à l'entrée de la crypte.
La basilique constitue le plus vaste volume sonorisé du monde et la qualité du son produit à l'intérieur de son enceinte fermée est sans précédent. Le système de sonorisation se situe à trois niveaux :
La répartition uniforme et stable d'une couche d'air frais s'étalant sur toute la surface de la basilique mais sur une hauteur de trois ou quatre mètres seulement, même lors de l'ouverture des portes, est assurée par un système de climatisation intégré dans les colonnettes des bancs.
2428 projecteurs d'une puissance extraordinaire ont été mis en place. C'est grâce à eux que l'on obtient cet effet imposant et splendide de la Basilique illuminée la nuit. Elle se fait repérer et admirer de bien loin.
Notre-Dame-De-La-Paix, est une Oeuvre immense et surréaliste où la pierre et le verre s'unissent selon les règles de l'art pour le plaisir de nos yeux. Sa construction a soulevé beaucoup de controverses en raison des montants faramineux engloutis par Houphouët-Boigny, face à la pauvreté d'une grande partie de la population ivoirienne. Mais les critiques de l'époque ne semblent plus avoir vraiment cours, c'est à présent, surtout un sentiment d'abandon qui nourrit la colère des habitants. Félix Houphouët-Boigny s'est éteint en 1993, et son successeur, Henri-Konan Bédié (victime d'un coup d'État en décembre 1999), s'est désintéressé de Yamoussoukro, et depuis toutes les promesses sont restées lettres mortes.
Nous achevons notre visite, à 20 km de la basilique, par une balade au lac des caïmans, à l'entrée du palais présidentiel ▼
Le palais est une demeure construite sur six étages et d'architecture contemporaine. L'entrée est gardée de part et d'autre par deux béliers d'or grandeur nature (pour comprendre le symbole, il suffit de savoir qu'en langue baoulé, bélier se dit «Boigny»). Le palais ne se visite pas, mais on peut se promener autour du célèbre lac pour voir les 200 caïmans sacrés ayant appartenu au Président. Ces sauriens ont pour la plupart été offerts à Felix Houphouët-Boigny par ses amis et leur repas quotidien vers 17 heures est un véritable spectacle. Chaque jour des Donzos officient devant les curieux pour nourrir les sauriens et organiser des séances photos. Jusqu'à ce jour tragique de 2012 où, tentant de sortir de la fosse après avoir fait le spectacle, il tomba et glissa devant les reptiles qui décidèrent d'en faire leur repas. D'autres victimes suivirent. Depuis, l'accès au lac est sensé être plus surveillé et réglementé. Mais nous avons pu nous en approcher sans problème. Le rituel perdure conformément à la tradition. Chaque jour vers 17 heures, les reptiles reçoivent leur offrande : Des poulets balancés vivants dans la fosse.
On ne s'attarde pas !
Nous quittons Yamoussoukro pour rejoindre notre hôtel situé à 335 kilomètres de là, dans le village d'Assinie en bordure du l'océan. Dans les méandres de la mangrove se mélangent les eaux douces et les eaux salées. C'est tout un écosystème préservé.
Sur les bords du golfe de Guinée, Assinie offre un double visage sauvage est domestiqué. Sa longue plage en a fait une station balnéaire privée devenue célèbre en 1978, puisque c'est là que fut tourné le film «Les Bronzés». Le meilleur endroit pour profiter de la vie en Côte d'Ivoire, se reposer à l'ombre d'un cocotier, barboter dans une piscine pour se rafraîchir, sauter dans les vagues, siroter un jus de fruit et refaire le monde avec ses amis !