10 Mars 2022
Stendhal, de son vrai nom Henri Beyle, est un des maîtres du roman du XIXe siècle.
Dans son œuvre, il se plaît à analyser finement les sentiments de ses personnages, mais aussi à décrire son époque. Son obsession ? La vérité.
Né en 1783 il a grandi à Grenoble, marqué par la mort de sa mère à l'âge de 7 ans, il grandit sous l'autorité tyrannique de son père et d'un précepteur.
Enfant au moment de la Révolution française, il reste très marqué par les événements. Un fossé se creuse entre son père et lui : il déclare ne pas croire en dieu et être républicain. Il fait ses premiers pas d’autobiographe en commençant à rédiger son journal. Mais il n’utilise pas la première personne : il parle de lui comme d’un personnage qu’il connaît par cœur. Il devient peu à peu Stendhal lorsque, à l’âge de 17 ans, il part faire la campagne d’Italie à Milan où il est nommé sous-lieutenant au sein du 6e régiment de Dragons. Ce voyage marque à jamais le jeune homme rêveur, épris de nature, de liberté, espérant rencontrer sur son chemin l'amour et la gloire.
Milan est la porte d'entrée donnant sur un monde nouveau : Celui de la vie d'adulte. «Cette ville devint pour moi le plus beau livre de la terre, où j'ai constamment désiré habiter».
Les passions si fortes qui agitent les Italiens le fascinent immédiatement. Il est enthousiasmé par la puissance littéraire qui se dégage de leurs comportements. «L'amour et le crime» y sont portés à leur point de perfection, et l'Italie devient une source romanesque intarissable et irremplaçable : «Alors on vit des passions, et non pas l'habitude de la galanterie. Voilà la grande différence entre l'Italie et la France, voilà pourquoi l'Italie a vu naître les Raphaël, les Giorgion, les Titien».
Pendant cette période, il écrit plusieurs œuvres autour de l'Italie ainsi que «De l'amour». En 1821, parce qu'il est accusé de sympathie pour les carbonari - affection particulière ressentie dans la nouvelle «Vanina Vanini» - il est expulsé de Milan.
De retour à Paris, presque ruiné après le décès de son père, il fréquente le milieu littéraire. De 1827 jusqu'en 1826, il a une relation avec Clémentine Curial, la fille de son amie la comtesse Beugnot.
En 1827, il publie son premier roman «Armance», suivi en 1830 du «Rouge et le Noir», en partie influencé par la révolution de juillet 1830. Après celle-ci, il est nommé consul à Civitavecchia (Italie), mais il s'ennuie et part voyager. Il découvre Bologne, Florence, Rome, Volterra, puis Naples. Un congé de 1836 à 1839 lui permet de rentrer à Paris. Après avoir achevé son dernier chef-d'œuvre romanesque (en cinquante deux jours) - La chartreuse de Parme - en 1839, il commence à rédiger son roman - Lamiel - qui reste inachevé.
Stendhal meurt d'une apoplexie à l'âge de 59 ans, laissant son œuvre autobiographique inachevée. Il avait été fait chevalier de la Légion d'Honneur par Guizot.
Stendhal vit dans une époque qui se cherche un régime. En 60 ans de vie, il traverse la Révolution Française, le Premier Empire et la Restauration. L'histoire tient une grande place dans on oeuvre. Une personnalité le fascine : Napoléon Bonaparte. A partir de 1810, il participe à l’administration et aux guerres napoléoniennes, à partir de cette date, il est toujours dans le sillage de Napoléon et place beaucoup d’espoir dans l’Empire. La chute du régime en 1814 est pour lui une grande déception. Il déteste la restauration, qu’il juge vaine et médiocre. On retrouve Napoléon à travers les personnages de Stendhal, dont Julien Sorel héros passionné, ambitieux et calculateur, dans «Le Rouge et le Noir». Il s’endort avec Le Mémorial de Sainte-Hélène (livre écrit par l’historien qui accompagnait Napoléon lors de son exil à Sainte-Hélène). Napoléon est son modèle d'énergie et d'arrivisme. Dans «La Chartreuse de Parme», sa pensée politique dévient plus subtile. Il décrit longuement la bataille de Waterloo. Ses espoirs sont déçus. Stendhal admire le chef militaire, mais rejette le despote.
De son vivant, Stendhal ne connaît pas une grande célébrité. Il ne peut vivre de ses écrits et poursuit parallèlement une carrière politique. Pourtant, la critique lui reconnaît une qualité littéraire, notamment à la sortie du roman Le Rouge et le Noir. Mais sa peinture réaliste de la société dérange. Ses contemporains ne cessent de percevoir l’auteur comme aussi dangereux que son personnage, Julien Sorel. Mais un écrivain remarque très vite le génie de Stendhal : Balzac. Ce dernier salue avec enthousiasme la parution de La Chartreuse de Parme.
En 1840, il publie un long article à la gloire du roman et de son auteur, il écrit : Je trouve cette oeuvre extraordinaire. Mr Beyle a fait un livre où le sublime éclate de chapitre en chapitre.
Le confinement a été une bonne raison de se replonger dans les classiques de la littérature : Les deux grands romans de Stendhal sont Le Rouge et Le Noir (1830) et La Chartreuse de Parme (1839). On y retrouve deux personnages opposés.
Julien Sorel, héros du Rouge et du Noir. Pour ce roman publié en 1830, Stendhal s'inspire d'un fait divers: L'affaire Berthet. Un jeune homme de condition modeste, engagé comme précepteur, devient l'amant de sa patronne. Renvoyé, il finit par tuer son ancienne maîtresse. Stendhal tient là son intrigue. À lui de donner de la consistance aux personnages. Julien Sorel a 19 ans et se sent très loin de la condition de son père, charpentier. Stendhal construit toute la personnalité de son héros autour du désir de s'en sortir socialement. D'abord en devenant l'amant de Mme de Rênal, puis, une fois chassé, en séduisant la fille du marquis de La Mole. Mais Julien n'est pas uniquement avide de réussite sociale. L'auteur s'attache à en faire un personnage ambigu : acharné dans sa quête de réussite sociale, il est à la fois arriviste et terriblement sensible.
Fabrice del Dongo, héros de la Chartreuse de Parme, contrairement à Julien Sorel, Fabrice est bien né. Il ne recherche pas une réussite sociale, mais le bonheur. Fils de Marquis, on le suit tout au long du roman, de sa naissance à sa mort. La Chartreuse de Parme est donc un roman d'apprentissage. De déconvenues en déconvenues. Fabrice se retrouve en prison. Pour la première fois, il connaît l'amour avec Clélia Conti. Une fois encore, le sort s'acharne : cet amour est un échec. Pourtant, Fabrice sort grandi de toutes ces étapes franchies. Il veut épuiser tous les charmes de sa vie. Stendhal fait de Fabrice le personnage principal de son livre et le rend héroïque dans ses actes. Contrairement à Julien, Fabrice représente la vision optimiste du héros stendhalien. Pour lui, tout est prétexte au bonheur, même la prison. Il correspond à l'idéal masculin selon Stendhal.
Leur point commun : ils refusent la médiocrité, surtout en amour. L’auteur analyse ce qu’il appelle la cristallisation amoureuse : l’esprit se nourrit de la réalité pour idéaliser l’être aimé. Là encore, décortiquer les états de la passion met au jour les motivations de chacun. Fabrice aime simplement par goût du bonheur. Alors que pour Julien, l'amour doit aussi servir socialement.
Un narrateur pour donner une vue extérieure sur les héros. Stendhal refuse de livrer l’histoire uniquement du côté des personnages. Le narrateur s’immisce : il est observateur et témoin. De temps en temps, il se moque. Plus loin il s’interroge. Mais jamais il ne se montre supérieur. Ce regard narratif très construit opère toujours dans une souci de vérité, d'objectivité. Grâce à cette présence, le lecteur peut prendre du recul. Stendhal façonne ainsi une double approche des personnages. Pour toujours mieux les saisir. Waterloo : quel chambardement ! Et des décors somptueux nous emmènent sur les bords du lac de Côme et l'Italie chérie de Stendhal !
Après avoir relu ces livres : Je me suis demandé pourquoi notre époque avait oublié Stendhal ? Retrouver cette plume magnifique fut un véritable bonheur, je les avais lus pendants les années lycée, et J’ai trouvé ces œuvres encore plus belles…. Stendhal oppose quelque jeune homme pur et quelque homme d’esprit à ces monstres de besogne, de niaiserie, de cupidité, de sécheresse, d’hypocrisie ou d’envie, dont il a peint tant de fois les visages, les caractères et les actes.
Pour Stendhal, ce que l'on connaît le mieux de la réalité est soi-même.
Vivre c’est apprendre à découvrir son moi. Ce que Stendhal appelle «egotisme», correspond à cette quête de soi. «Le beylisme» est la stratégie utilisée pour y arriver. (Après la mort de Stendhal, le beylisme devient le culte de Stendhal lui-même). Pour Stendhal, il faut surtout se protéger de la société, qui brise les individus. Et si Henry Beyle choisit d’écrire sous le pseudonyme de Stendhal, c’est justement pour se protéger. La société identifie une personne à son nom. Pour Stendhal, le «moi» est au delà.
Dans les romans de Stendhal, il y a de l'action. Les longues descriptions à la manière de Balzac sont absentes. Dans Stendhal, ça galope ! Et puis, la dimension de recherche de soi-même est un thème qui touche chacun d'entre nous.