11 Août 2021
Il y a belle lurette que la France «travaille du chapeau». Au sens premier du terme. C'est d'ailleurs ce qui, au départ, différencie les modistes, spécialistes du modèle unique et du sur mesure, des chapeliers, fabricants en petites séries ou simples revendeurs. La mode doit beaucoup à ces artisans dont la profession est règlementée depuis près d'un millénaire. À commencer par son nom ! Et d'aucun s'étonnent, après cela, que, depuis toujours, au gré de ses caprices, celle-ci nous contraigne à «avaler notre propre chapeau» !
Le chapel - mot qui dérive du latin caput, tête - est, à l'origine une coiffe essentiellement masculine. Les femmes, quant à elles, portent plus volontiers des bonnets, des foulards ou des voiles retenus par dans bandeaux, des couronnes ou des diadèmes. Dès l'Antiquité les hommes sont adeptes du couvre-chef, qui est autant destiné à se protéger du froid qu'à marquer leur statut social. Ainsi, du pilos grec - bonnet de cuir ou de laine qui rappelle notamment l'origine des Dioscures - que se réapproprient les Romains pour coiffer les seuls esclaves affranchis. Ce n'est qu'au XIVe siècle que le voile des dames est augmenté d'un bourrelet et se dote même d'une armature. Tandis que les messieurs optent pour le «liripipion» - une sorte de capuchon pointu - les élégantes ont un penchant pour les formes hautes et, dans le sillage d'une Isabeau de Bavière, épouse de Charles VI, toutes arborent bientôt des coiffes «en pain de sucre» - plus familièrement connues sous le nom de hennin - qui, au fil du temps, revêtiront les formes les plus tarabiscotées (hennin conique, double hennin, hennin tronqué...).
C'était sans compter avec l'inflexibilité de l'Église qui, considérant du plus mauvais oeil ces couvre-chefs à cornes aux dimensions excessives, ne tarde guère à leur trouver une parenté diabolique ....
Le XVIIe siècle - qui voit la favorite du moment, la duchesse de Fontanges, remplacer spontanément le ruban de sa coiffure par la jarretière - n'en paraîtra que plus permissif ! Le grand roi en sera charmé, la coiffure y trouvera son nom - «la fontange» - et la cour son style.
À l'époque des Lumières une modiste native d'Abbeville, Rose Bertin, finit même, à force de la parer, par tourner la tête de sa souveraine, Marie-Antoinette, dont elle devient, bien sûr, le fournisseur officiel. Celle que l'on appelle aussi «Mademoiselle Martin» offre ainsi «un luxe fantasque et léger à la magnificence des vieilles étoffes» et, pour la fine fleur de la société, le chapeau devient, tout naturellement, l'accessoire incontournable de la mode.
Loin de démentir sa gloire, le XIXe siècle la conforte par les créations les plus délirantes. ▼
Indicateur culturel probant, il continue durablement d'arbitrer le tamisage social. Jusqu'à ce que la femme entre résolument dans la modernité.
Coiffée «à l'embusqué» ou «à la garçonne», au lendemain de la Seconde guerre mondiale, elle n'a plus besoin d'ornement pour porter haut sa tête. Le chapeau signe plutôt les silhouettes les plus élégantes. Il n'y a plus de règles : du bibi minimaliste à la large capeline à la Audrey Hepburn ▼
On porte le chapeau pour les grandes occasions. Sortir «en cheveux» n'est plus synonyme de négligé et les femmes ont malgré l'épreuve qui a constitué le conflit mondial, gagné plus de liberté. Le chapeau disparaît peu à peu. La libération de la femme, sa participation de plus en plus grandissante à la vie active, lui seront fatales. Le chapeau sera abandonné, tout comme le corset. On le trouve encombrant, voire ridicule. Il n'est plus guère porté que l'hiver retrouvant là sa vocation première : se protéger du froid, ou l'été et lors de cérémonies officielles, ou lors de mariages.
Quoi qu'il en soit, la période qui s'étend de la fin du XVIIIe siècle aux années 1960, vit le triomphe de cet accessoire, qui au fil du temps et suivant la mode, n'a eu de cesse de se renouveler.
En France, la Dame au chapeau se prénomme Geneviève de Fontenay. Au Royaume Unis, il s'agit de la famille royale connue pour ses étonnants chapeaux !
Les couvre-chefs de la reine d'Angleterre se comptent par centaines, font l'objet de spéculation et de nombreux paris chez les bookmakers. Et la famille royale n'est pas la seule à suivre cette règle, puisque toute la bourgeoisie anglaise adore s'affubler d'un chapeau dès que se présente l'occasion. Il suffit de regarder la très prisée course Ascot, qui réunit chaque année tout le gratin, et qui s'est presque transformée en concours du chapeau le plus original. ▼
Au début du XXème siècle, Ascot devient un haut lieu de la mode et l'accent a été rapidement mis sur la coiffure, comme le rapporte la journaliste Alexa Moore. «Pour les hommes et les femmes, les courses étaient devenues l'occasion de faire étalage de fabuleux chapeaux», raconte-t-elle, et la tradition a perduré. La britannique explique également que les coiffes ont évolué avec le temps. De la conformité, elles sont passées à l'excentricité. Aujourd'hui, il est de bon ton de trouver LE chapeau qui se fera remarquer. C'est même devenu un vrai business pour les modélistes. Les hommes ont moins le choix du chapeau puisque c'est le haut-de-forme de couleur noir ou gris obligatoire dans le Royal Enclosure.
Dans un pays comme la Grande-Bretagne, les usages d'un moment tendent à durer et à devenir des traditions, sans doute plus fréquemment qu'ailleurs.
En France, pays peu porté sur les traditions, le chapeau de cérémonie, tel que le haut-de-forme a disparu.
Aujourd'hui porter un couvre-chef, peut-être synonyme d'affirmation de soi. Il est le reflet de nos principes, d'une attitude, d'une appartenance, c'est également affirmer une origine, une profession, un mouvement. Et si vous faites partie de celles qui ne supportent pas de sortir leurs poubelles dans la rue sans être parfaitement bien coiffée... Le chapeau est parfait pour couronner votre tête, et il est parfait également pour passer incognito, associé à des lunettes de soleil.
En cas de pluie, les chapeaux sont également très pratiques ! Gene Kelly dans « Singin'in the Rains - chantons sous la pluie», nous le montrait déjà dans les années 1950, avec ses pas de claquettes enjouées dans les flaques d'eau, chapeau vissé sur la tête et parapluie à la main !