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Le fromage sur un plateau !

Le fromage sur un plateau !

C'est, paraît-il le général De Gaulle qui s'écria un jour : «Comment diable voulez-vous donc gouverner un pays où l'on compte 365 sortes de fromages ?»

Le chiffre est facile à retenir, il y aurait donc en France un fromage pour chacun des jours d'une année non bissextile. Le Général, peu suspect pourtant de modestie pour son pays, se trompait on aurait dénombré 487 fromages français différents sans compter les étrangers ! 

De vache ou de brebis, à pâte molle ou dure, il est né dans le Sud il y a plus de dix mille ans. Les Romains l'ont diversifié, avant qu'il ne connaisse son âge d'or dans les monastères cisterciens du XIe siècle. 

Un grand merci aux chèvres et aux brebis du pourtour méditerranéen ! Les unes domestiquées vers 10 000 ans avant J.-C., les autres trois mille ans plus tard offrent un lait, certes peu abondant, mais qui, une fois caillé puis séché, se transforme en aliment nourrissant et transportable : Le Fromage.  Les Sumériens, les Égyptiens, les Hébreux, les Grecs le connaissent et l'apprécient, mais ce sont les Romains qui s'emploient à le promouvoir. Gastronomes, mais aussi bâtisseurs d'Empire, ils remplissent les besaces des légionnaires de percorino et, en retour, découvrent les fabrications des contrées conquises : C'est ainsi que les ancêtres du sbrinz, du pelardon, du roquefort, du cantal commencent à se diffuser. 

Au 1er siècle, Pline salue «la présence enchanteresse» des délicieux petits chèvres des alentours de Nîmes, les fromages de brebis de l'actuelle Lozère et ceux des vaches d'Auvergne...

Maîtres ès-bon goût, les Romains professent le plus grand mépris pour les peuples du Nord qui ignorent les pâtes dures et n'apprécient que le lait caillé. Des barbares selon eux ! Mais qui vont faire voler l'empire en éclat. Et parmi ces barbares, certains se laissent volontiers convertir aux vertus de l'art fromager. Ainsi les Burgondes installés dans les Alpes et en Franche-Comté, qui ne tardent pas à faire leurs preuves dans les pâtes dures. Le fromage trouve des alliés de choix chez les moines, notamment au VIe siècle, chez les bénédictins dont la règle austère fait des laitages et du fromage l'alimentation de base. 

Les invasions vikings, sarrasines, hongroises des IXe et Xe siècles ruinent le France et les fromages trouvent leur salut à l'abri des monastères et parmi les montagnards. La sécurité revenue, une période de gloire s'annonce. Au XIe siècle, les cisterciens et leur 500 monastères sont à l'origine des plus belles créations fromagères et d'une alliance historique avec les très grands vins dont ils sont aussi les parrains.  

Si le fromage est très consommé au Moyen Âge, il l'est par les paysans, les artisans et les pauvres. Sur les tables des riches, il n'est présent que comme ingrédient, par exemple dans des tourtes, qu'elles soient sucrées ou salées. Cet ostracisme se poursuit jusqu'à la fin de l'Ancien régime. Certes à la cour et chez les bourgeois, on apprécie le brie, le coeur de Neufchâtel ou le fromage de Milan, mais on dédaigne les autres. 

Le plateau, tel que nous le connaissons aujourd'hui, est une invention du XIXe siècle. 

En déclarant, «Un dessert sans fromage est une belle à qui il manque un oeil», le gastronome Brillat-Savarin ouvre la voie à une nouvelle manière de déguster le fromage. L'invention du chemin de fer fait le reste. Les fromages les plus fragiles peuvent enfin voyager et faire découvrir à toute la France des saveurs jusque là inconnues. 

À la fin du XIXe siècle, une autre révolution, la pasteurisation, permet de fabriquer le fromage de manière industrielle. Léon Bel est le premier à s'y risquer en créant en 1919 la vache qui rit

  • Rendons visite à quelques-uns des plus nobles fromages, de haute lignée : 

Le Camembert  

Ce fromage disait Léon-Paul Fargue «fleure les pieds du Bon Dieu» - seuls ceux qui n'aiment pas le fromage pourraient voir dans cette phrase un blasphème. Les autres auront compris.  On attribue l'invention du camembert à Marie Harel, fermière de Vimoutiers dans l'Orne, vers 1790. En fait le camembert était connu dans la région depuis belle lurette. 

Statue de Marie Harel
Statue de Marie Harel

Nous sommes au XVIIIe siècle, les vaches du bocage normand produisent le lait nécessaire à la production du beurre, de crème et de quelques fromages frais produits par les femmes des fermiers. Les fromages sont consommés à la ferme, les surplus vendus sur les marchés et ce depuis le XIe siècle. Marie Harel, dans le  domaine de Beaumoncel à Camembert produit le sien,  jusqu'à une fabuleuse rencontre en 1791 avec un prêtre réfractaire de la Brie, l'abbé Charles-Jean Bonvoust,  qui vient lui demander asile.  La regardant faire son fromage, il lui soumet l'idée de le faire sécher comme le font les fermier de la Brie, lui vantant les avantages de la croûte du fromage, permettant une plus longue conservation, Marie Harel, s'applique alors à adopter les conseils du prêtre. Elle laisse ses faisselles s'égoutter, puis les moule et les sale avant de les laisser sécher sur des planches dans un endroit bien aéré. Quelques jours plus tard, la croûte et les moisissures se forment, le fromage prend alors une couleur bleutée, le camembert est né. Elle se rend alors au marché de Vimoutiers, vendre ses «nouveaux» fromages  et après avoir subi de nombreuses moqueries de la part des locaux, réussit à séduire 3 affineurs qui lui achètent l'intégralité de sa production. Au bout de quelques semaines, ce fromage «sec» connaît un succès sans égal sur le marché de Vimoutiers, peinant à satisfaire la demande. Quelques années plus tard, la production de Camembert, reprise par la fille de Marie Harel et son mari, Victor Paynel, continue et se développe. Le Camembert conquiert la Normandie, jusqu'au Haras du Pin, où se trouve, le temps de quelques courses hippiques, Napoléon III. Désireux de goûter à ce fromage dont la réputation grandit, il l'apprécie, et le fait par la suite, servir à sa table impériale, aux Tuileries. 

Marie Harel n'a pas volé la statue que ses concitoyens lui ont élevée. 

  • En 1890 - un siècle plus tard - Un certain RIDEL invente la boite cylindrique de bois qui allait permettre le transport de ce fromage. En terme d'aujourd'hui, le camembert avait trouvé une public-relation et un marketing-man. Au début de ce siècle, on eut l'idée d'ensemencer le lait caillé avec une moisissure, le penicillium candidum qui donne au camembert sa belle couleur jaune paille. 

Le Roquefort 

PLINE l'Ancien décrit, mais sans le nommer, un fromage qui ressemble à l'actuel Roquefort comme deux gouttes de lait. 

C'est pourquoi on peut affirmer que l'origine de ce fromage remonte à plus de 2 000 ans.

En 1411, CHARLES VI accorde aux habitants du petit village de Roquefort-sur-Soulzon le monopole de l'affinage du fromage qui se pratique dans les grottes naturelles du Combalou depuis des temps immémoriaux. 

Le lait de brebis une fois caillé est ensemencé de moisissures (pain moisi) de Penicillium glaucum roqueforti et entreposé dans ces caves creusées sous les Causses ou la température est de 7°C. Il s'y affinera pendant trois mois. Grâce aux vertus de la pénicilline qui ensemence le fromage, on dit que les ouvriers fromagers de Roquefort ne connaissent jamais de rhumes, ni de maladies respiratoires à virus..

les caves de Roquefort-sur-Soulzon
Les caves de Roquefort- sur- Soulzon

Toutes les caves du village sont adossées à l'éboulis de la montagne de Combalou dont elles tirent parti de la géologie particulière. Ces grottes reçoivent des fromageries les pains de caillés confectionnés à partir du lait de brebis. 

Plus encore peut-être que le viaduc de Millau, le roquefort attire de nombreux touristes dans le village du même nom.

C'est une aventure intérieure inoubliable : 

Tout au long du parcours, des salles voutées en pierre sèches se succèdent. Plus ou moins dissimulées, les fleurines, des failles qui parcourent l'éboulis du Combalou, créent des ventilations naturelles. L'affineur ouvre ou ferme leurs trappes pour réguler la température.

Dans la plus ancienne cave, une animation son et lumière conte la légende de ce berger  « Un pâtre amoureux...pour suivre une bergère aurait oublié du pain et du fromage de brebis dans une grotte du Combalou. Revenant quelques temps plus tard en ce lieu, il les découvrit couverts de moisissure. Il goûta le fromage et s'en régala. Le roquefort était né. Gardien de ce savoir-faire, l'homme entretient cette tradition au plus profond de ses caves et à chaque fois, le miracle s'accomplit» 

Une autre légende veut que  «Charlemagne ait goûté à ce fromage lors d'un de ses retours d'Espagne. Il aurait alors enlevé tout ce qui lui semblait de la moisissure avant que l'évêque d'Albi, son hôte, ne lui indique qu'il était en train de jeter le meilleur ! »
Le labyrinthe de la grotte s'ouvre sur les sanctuaires d'affinage. Sur huit étages, plus de 23 000 pains de fromages reposent sur des travées en bois de chêne. Pendant une vingtaine de jours, la magie du champignon Roqueforti opère. Lorsque le maître affineur juge le temps venu, le fromage est placé dans une salle froide. Chaque marque dispose de sa cave, développe sa recette et propose ses propres visites guidées. Ici, comme une évidence, la visite s'achève par une dégustation ! 

Le Munster 

Le nom même de ce fromage est lié à l'installation d'un monastère sur les marges du massif Vosgien. En 668, des moines bénédictins venus d'Italie pour évangéliser la région bâtissent en Alsace, dans la vallée de la Fecht, un monastère en l'honneur de Saint Grégoire et apportent avec eux leur savoir faire.  Les alentours prirent naturellement le nom de Val Saint Grégoire et par la suite vallée de Munster, du latin Monasterium, monastère, Munster qui fit la renommé de son fromage.   

Dès le VIIe siècle, les moines fabriquent un fromage pour conserver le lait et nourrir la nombreuse population qui se presse au pied du monastère.

Ce fromage doit beaucoup à la Vache Vosgienne, blanche et noire à la robe mouchetée et aux cornes recourbées vers le haut et qui sait se contenter des pâturages difficiles du massif. Le goût extraordinaire du Munster en plus de l'affinage spécifique, est dû en grande partie aux dizaines de graminées aromatiques que broute la véritable bête des Vosges ! 

Depuis, le territoire de la Lorraine, l'Alsace mais aussi le territoire de Belfort et une petite partie de la Haute-Saône allient leurs talents pour développer et affiner toutes les saveurs du Munster. Aujourd'hui encore, l'Appellation d'Origine Protégée conserve ses racines historiques et rappelle cette tradition via les noms de Munster et Munster-Géromé : Deux noms pour un même fromage. Dans la tradition Vosgienne, le Munster Géromé, serait davantage consommé avec des pommes de terre chaudes,  qu'avec du pain. 

Le classement «Fromage de Munster fermier» indique qu'on utilise le lait d'une seule et même ferme, donc pas de mélange comme dans une coopérative. On utilise le lait cru entier, sans agent de conservation et sans colorants. Il est mis en cave pendant 21 jours minimum, mouillé à l'eau tiède puis retourné tous les deux jours dans une ambiance humide et à température constante de 11°C. 

J'ajoute que la gaine de cumin est au munster ce que le beurre est à la tartine, un savoureux et indispensable complément. 

Le Reblochon 

Voici un fromage qui n'a pas été inventé par des moines, mais par d'astucieux fraudeurs. Il commença d'être fabriqué à partir du XIVe siècle par les fermiers des alpages situés au-dessus du lac d'Annecy. 

Comme ces fermiers devaient payer à leurs propriétaires des droits de fermage calculés sur la production du lait du troupeau, ils eurent l'idée de ne traire qu'à moitié les vaches et d'effectuer une seconde traite en cachette du propriétaire. Le nom de Reblochon vient du verbe savoyard reblocher, signifiant traire une seconde fois. Le deuxième lait très riche en crème leur permit de fabriquer ce fromage onctueux et délicieux qui devint une des gloires gastronomiques de la Savoie. Bien mal acquis profite donc quelquefois. 

La pratique de l'alpage est importante car elle permet également de préserver les Paysages de nos montagnes et d'en conserver la biodiversité. 

En été, les saveurs du Reblochon sont enrichies de toute la palette de fleurs présentes en alpage et de l'herbe fraîche d'altitude que les vaches vont pâturer.

Cette histoire vaut bien un fromage sans doute ...

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