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Plein la vue, avec les précieuses petites lunes...

Plein la vue,  avec les précieuses petites lunes...

A propos, me direz-vous, pourquoi citer dans le titre les petites lunes ? Mais c'est évident, cela vient de leur forme, et les petites lunes s'appellent tout simplement lunettes.

Il faut attendre 1299 en Italie, 1305 en France, pour que cet objet, indispensable aujourd'hui à une grande partie de la population, fasse son apparition.

Sénèque avait déjà remarqué qu'«une écriture mince et embrouillée paraissait plus grosse et plus distincte à travers une boule remplie d'eau».

Néron, quant à lui avait recours à une émeraude grossissante pour regarder les combats de gladiateurs,  l'on ignore s'il le faisait pour mieux voir ou par coquetterie ! 

La loupe fera son apparition bien plus tard, au XIIIe siècle. 

Le savant et astronome arabe Ibn al-Heitam (vers 965-1040) a été le premier à suggérer que les lentilles lissées pourraient aider une personne souffrant d'une déficience visuelle. Cependant, son idée d'utiliser des parties d'une sphère de verre pour le grossissement optique n'a été mise en oeuvre que plusieurs années plus tard.  Son «Livre de l'optique» a été traduit en latin en 1240 et a trouvé un lectorat attentif dans de nombreuses communautés monastiques.  Cette «pierre de lecture» était une véritable bénédiction pour de nombreux moines âgés souffrant d'une mauvaise vue et améliorait considérablement leur qualité de vie. 

Roger Bacon (1214-1294) continua à étudier la réfraction à travers verre et cristal de roche. Cet aristocrate dévoua sa vie à la Science et à la Connaissance. Il étudia à Oxford et à l'Université de Paris, avant de devenir moine. C'est en 1267 qu'il fournit la preuve scientifique que l'on pouvait agrandir les petites lettres à l'aide de verres de manière particulière. Il demanda des réformes dans les sciences et l'Église, ce qui lui valut la prison en 1257 à Paris. Il mourut peu après, mais il avait oeuvré pour l'usage des sciences expérimentales. Certains historiens lui accordent la paternité des lunettes, avec l'idée d'intégrer deux verres dans des cercles de bois reliés par un clou.  C'est ainsi que naquirent les bésicles clouantes. 

On voit une gravure en bois représentant un homme au nez chaussé de bésicles clouantes dans «La Chronique du Monde» de 1493, ce serait la première trace de lunettes que l'on ait retrouvée. 

Le béryl donne  son nom aux besicles françaises, aux brill néerlandaises et aux Brillen allemandes.  

Ce n'est que vers la fin du XVe siècle que les lunettes clouantes furent remplacées par des montures à arc faites d'une seule pièce. Les matériaux utilisés à cet effet étaient le fer, l'argent, le bronze ou le cuir.  Et seuls les riches pouvaient se permettre d'en acheter. 

Bernard de Gordon, professeur de chirurgie à Montpellier, parle des lunettes en 1305, comme son confère, Guy de Chauliac en 1363. Le XIVe siècle est aussi l'époque ou l'on se met à produire le verre à Venise, désormais employé dans la fabrication des lorgnons qui se placent sur un seul oeil, des binocles maintenus sur le nez par un pince-nez et des faces-à-main à long manche. 

les binocles
Ancêtres : C'était avant qu'on ait l'idée de les poser sur le nez. Elles se tenaient à la main.

Tommaso Da Moderna les reproduit pour la première fois en peinture en 1352, montrant un moine copiste, le dominicain Hugues de Saint-Cher, avec des binocles au bout du nez, s'appliquant à l'écriture. En 1436, Jan Van Eyck dessine le chanoine van der Paele s'apprêtant à en chausser pour lire la bible. Deux siècles plus tard, le poète Charles d'Orléans confie qu'il utilise les lunettes aux verres convexes qui grossissent les lettres. En 1518, le pape Léon X est, lui, représenté avec des verres concaves destinés à corriger sa forte myopie. Mais la correction empirique reste bien imparfaite en l'absence de véritables connaissances scientifiques. 

L'astronome bavarois Johannes Kepler, au début du XVIIe siècle, marque de son empreinte l'optique en expliquant les mécanismes de réfraction de la lumière à travers le verre. Enthousiasmé par le récit des découvertes que Galilée venait de réaliser avec sa lunette, Kepler invente en 1611 une nouvelle combinaison optique plus performante. C'est la lunette de Kepler, maintenant nommée «Lunette astronomique», elle fut ensuite préférée à celle de Galilée. La différence entre cet instrument et la lunette de Galilée se situe au niveau de la lentille oculaire.  C'est une loupe qui permet d'examiner en détails l'image réelle fournie par l'objectif. Les améliorations sont désormais possibles, de sorte que le médecin anglais Thomas Young parvient à comprendre les phénomènes d'accommodation de l'oeil et à décrire l'astigmatisme. et le physicien, rédacteur de la Déclaration des États-Unis, Benjamin Franklin, à inventer les verres à double foyer. 

Après la presbytie, puis la myopie, d'autres déformations peuvent être corrigées. Le confort est atteint lorsqu'on imagine de faire tenir les montures derrière les oreilles. 

En 1796, Pierre-Hyacinthe Caseaux, maître cloutier à Morez, dans le Jura, remplace le clou central par un cercle de fer qui enserre aussi les verres, il vient d'inventer la première monture munie de branches que l'on peut accrocher derrière les oreilles. Il la présente à la célèbre foire de Beaucaire et remporte un vif succès.  faisant ainsi de la France le centre mondial de la lunetterie. 

En 1830, un atelier installé près de Morez produit plus de 2 000 paires de lunettes par an. Dix an plus tard la ville compte une quinzaine d'ateliers. Les artisans jurassiens ne cessent d'améliorer leur savoir-faire et les lunettes deviennent plus fines, plus seyantes, et aussi plus confortables, plus stables sur le nez.

Dès la seconde moitié du XIXe siècle les progrès se succèdent. On voit arriver tour à tour les lunettes-fils, les lunettes-cheveux, les pince-nez sans soudure en 1860. La Société Française des lunettiers, fondée en 1849 à Paris, viendra s'installer à Morez, pour y devenir plus tard le groupe Essilor. En 1882 la production n'a cessé d'augmenter, jusqu'à atteindre les onze millions de pièces, dépassant ainsi l'industrie horlogère. 

En 1900 la population de la ville a doublé passant de 3 000 à 6 000 habitants et la ville compte 39 entreprises fabriquant des lunettes. En 1911 l'École Pratique de Morez enrichit son enseignement de la filière optique. Elle devient la première école de lunettes en France. En 1928 elle prend le nom d'École Nationale d'Optique et de Lunetterie. Elle est depuis 1960 le lycée d'état Victor Bérard.

Dans les années 30 la matière plastique vient remplacer l'écaille de tortue. Après la seconde guerre mondiale les artisans Meréziens misent sur l'expansion et les petits ateliers familiaux cèdent la place à des usines ultra modernes. C'est à ce moment qu'apparaissent les premières «nylor» (lunettes équipées d'un fils de nylon maintenant les verres en place). Morez devient la capitale de la lunetterie française, devant Paris et Oyonnax. 

Mais dans les années 70, la récession économique et la concurrence italienne, américaine et asiatique pousse les lunetiers Moréziens à se remettre en question. Forts de leur savoir-faire, ils améliorent leur technicité et leur démarche commerciale et se battent pour conforter leur position sur le marché mondial.

De simple prothèse, la lunette est devenue accessoire de mode à art entière, reflétant la personnalité de la personne qui les porte, l'image qu'elle veut refléter. 

Les grands couturier et créateurs lui ont fait une belle place dans leurs collections et les industriels jurassiens ont su anticiper ce phénomène grâce à un savoir-faire sans cesse en progrès et à l'imagination sans limite de designers à la pointe des tendances. 

Le Musée de la lunette à Morez, vous invite à voyager à travers l'histoire de la lunetterie. ▼

Découvrez comment les haut-jurassiens ont utilisé leur ingéniosité et leur savoir-faire pour développer une véritable filière industrielle, aujourd'hui encore reconnue dans le monde entier pour sa créativité et sa qualité. Le Musée de la lunette abrite une des plus prestigieuses collections de lunettes au monde, la collection ESSILOR - Pierre Marly qui rassemble près de 2 500 objets, du XIIIe siècle à aujourd'hui. Il vous initie également au fonctionnement de l'oeil. Grâce à des manipulations ludiques, vous pouvez observer les principaux troubles de la vision pour ne pas tomber dans le piège des illusions d'optique. 

Morez est également un territoire réputé pour la ligne des Hirondelles, une ligne ferroviaire qui en met plein la vue ! 

Les célèbres viaducs de la ville de Morez Les célèbres viaducs de la ville de Morez
Les célèbres viaducs de la ville de Morez Les célèbres viaducs de la ville de Morez

Les célèbres viaducs de la ville de Morez

Le tronçon de voie ferrée dite ligne des Hirondelles reliant Morbier à Morez offre une vue plongeante insolite sur la ville et relève d'une prouesse technique inégalée puisque les deux communes sont distantes d'1.5 km à vol d'oiseau, mais séparées par 150 mètres de dénivelé ! Il en résulte 5 km de voies à flanc de montagne franchissant 3 viaducs et 1 tunnel de 1 500 mètres en forme de fer à cheval.

C'est un endroit mythique ! 

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