4 Janvier 2021
Au large du Sahara, cet archipel déploie une invraisemblable palette de paysages, de massifs volcaniques, de villages pittoresques, composant l'un des plus beaux tableaux de la nature.
Paradoxales, les Canaries sont des îles à la fois sublimes et inquiétantes. La stupeur nous accapare dès l'approche de l'archipel Espagnol. Transperçant une mer cotonneuse de nuages, le cône parfait du Teide annonce la couleur, les merveilles qui nous attendent sont nées de furies volcaniques. Les mythes de l'antiquité racontent, eux, que ces «îles fortunées» furent modelées par des Atlandes très inspirés. Dans leur frénésie créative, les descendants de Poséidon auraient utilisé toutes les couleurs à leur disposition dans la nature pour concevoir les panoramas les plus exubérants. En effet, peu d'endroits sur la planète possèdent une telle concentration de sites exceptionnels.
Moins portés sur ce genre de considération esthétiques, les conquistadors espagnols mirent tout le XVe siècle à prendre possession de ces sept îles dispersées à quelques 70 milles nautiques des côtes africaines. Ils les baptisèrent Canarias, non en référence au serin endogène d'un jaune flamboyant, mais à la race de chiens vifs et longilignes qui s'y était épanouie. Canis étant le mot latin pour désigner le meilleur ami de l'homme, ces «îles aux chiens» devinrent Canariae Insulae. Voilà aussi pourquoi deux dogues des Canaries figurent sur le drapeau de l'archipel.
Toutes différentes, les unes sculptées par l'océan et les alizés, les autres par le souffle chaud du Sahara, Les Canaries partagent néanmoins un atout essentiel que l'on apprécie d'emblée : un climat subtropical extraordinairement doux et régulier. S'il existe un pays du perpétuel printemps, c'est bien celui-là.
La partie la plus touristique de l'île de Tenerife est localisée au sud. On y trouve de grandes plages, les nombreux hôtels où loger et les principales attractions touristiques. D'ailleurs nous constatons que les promoteurs et leur béton n'ont finalement touché qu'une toute petite partie de l'île. Et puisque la grande majorité des touristes s'y concentrent, il est d'autant plus facile pour nous de partir à la découverte du reste de l'île, où quelques joyaux remarquables nous attendent.
Après avoir savouré un barraquito, le café au lait traditionnel, nous enfilons nos chaussures de marche pour s'attaquer au Teide ▼
Impressionnés par le gigantisme de ce strato-volcan posé sur l'océan, les premiers navigateurs y voyaient le mythique Atlas soutenant la voûte céleste. Culminant à 3 718 m, son pic flamboyant émerge d'une immense caldeira aux contours chaotiques, que l'on visite aujourd'hui entre coulées de lave figées et cheminées de fées. inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, le parc national du Teide est le plus fréquenté d'Europe ! Mais Tenerife dévoile bien d'autres surprises au détour de ses routes de montagne aux lacets vertigineux.
La moitié de son territoire est classée en zones protégées. Loin des foules de la côte sud, les parcs ruraux Anaga et Teno déclinent une gamme extravagante de paysages et comptent de nombreux sentiers de randonnée. Entre ces deux massifs primitifs, la partie nord de l'île est ponctuée de vieilles cités prestigieuses, telle La Orotava, Garrachico, et surtout La Laguna ▼ dont l'architecture inspira celle de La Havane, à Cuba.
Au nord-ouest de Tenerife, la coulée basaltique du Pico Viejo est à l'origine d'un dédale souterrain de 17 km. La Cueva del Viento est le plus long réseau de cavités volcaniques après celui d'HawaÏ. Cette curiosité géologique se visite à la lampe frontale sur 300 mètres. ▼
Les Canaries sont à la flore mondiale ce que les Galapagos sont à la faune : un trésor inestimable. Elles comptent à elles seules plus d'espèces endémiques que tous les pays d'Europe réunis ! Désignée «réserve de biosphère » par l'Unesco, La Gomera illustre cette luxuriance ▼
Dans l'ombre de sa grande voisine, Tenerife, cette petite île circulaire reste peu fréquentée. Il ne faut pourtant qu'une heure de ferry pour la rejoindre. Une traversée d'autant plus réjouissante qu'elle est l'occasion d'observer les baleines-pilote, les baleines à bosse et les dauphins qui séjournent là en permanence. Les profondeurs océaniques des Canaries sont fréquentées par les globicéphales, les rorquals de Bryde, et les cachalots. On y rencontre des colonies sédentaires et des animaux en migration. Il y a plus de 25 espèces de cétacés qui évoluent aux abords des Canaries et l'archipel est l'endroit en Europe ou on voit le plus facilement ces animaux.
On vient surtout à La Gomera pour se promener parmi ses arbres courbés sous le poids de la mousse. Sur ses hauteurs centrales hérissées de pics basaltiques, le parc national de Garajonay est un dôme de verdure perpétuellement nimbé de brumes épaisses. Cette humidité nourrit une forêt primaire de lauriers, bruyères géantes, genévriers et fougères. Une fois sortis du brouillard et de ses sortilèges, les nombreux sentiers de l'île nous proposent de dévaler les barrancos, aménagés en terrasses. Ces étroites vallées plongent vers des rivages chargés d'histoire.
La Gomera fut, en effet, la dernière halte de Colomb avant sa découverte du Nouveau Monde.
S'il est facile de se déplacer d'île en île en bateau, nous montons à bord d'un petit avion de la compagnie locale pour rejoindre rapidement Fuerteventura. À l'est de l'archipel, l'île de la «Bonne Aventure» doit son nom au gentilhomme normand Jean de Béthencourt qui entreprit la conquête des Canaries, mandé par le roi d'Espagne, en 1402. Son fief colonial, Betancuria, fait aujourd'hui figure d'oasis dans un environnement brûlant. ▼
Face aux murs aveuglants de la vieille église, le patio ombragé de la Casa Santa Maria est le cadre idéal pour faire une pause gourmande et en apprendre davantage. Fuerteventura est la plus vieille île de l'archipel. La plus aride aussi. Érodée depuis des millénaires, elle n'a plus de relief assez haut pour retenir les nuages et leur précieuse humidité. Ce squelette d'île, est poncée par les vents chauds qui y déposent le sable du Sahara tout proche. Sur la côte nord, le parc naturel de Corralejo est un véritable petit désert dont les vagues de dunes dorées ondulent à perte de vue. ▼
Au total, Fuerteventura compte 150 km de plages. Un paradis pour les surfeurs ! Exposées à la houle ou protégées par des remparts naturels de roches, elles sont toutes plus photogéniques les unes que les autres.
Dans le parc naturel de Jandia, celle de Cofete, gardée seulement par quelques chèvres solitaires, est la plus longue : 15 km de sable immaculé.
Sur Fuerteventura, Les salines del Carmen produisent une fleur de sel très riche en potassium. Ses propriétés résultent d'un captage original de l'écume de mer, projetée par les plus fortes vagues. Lieu de valeurs, ce site, dépourvu d'engins motorisés, se veut 100 % durable.
L'environnement sec de Fuerteventura est propice à la culture de l'aloe vera. L'exploitation familiale et éco-responsable Verdeaurora, transforme cette plante aux facultés régénératrices en une multitude de produits cosmétiques, et même en jus à boire.
La plus énigmatique des Canaries n'est qu'à quelques brasses des plages exubérantes de Fuerteventura. Mais sur Lanzarote, on marche sur la pointe des pieds car, ici, les volcans viennent de s'endormir. On en dénombre près de 300 sur l'île, dont une trentaine dans le parc national de Timanfaya. ▼
Assoupies depuis 1824, ces «montagnes de feu» restent menaçantes. Leur visite est donc strictement encadrée. Aux abords du restaurant El Diablo, conçu par le peintre et architecte César Manrique, il suffit de mettre la main au sol pour sentir gargouiller les entrailles de la terre. Réparties sur Lanzarote et indissociables de son identité, les créations du génial Manrique se caractérisent par un souci de dialogue avec le paysage. Animé par l'ambition de préserver son île, tout en valorisant sa beauté, l'artiste local a façonné des sculptures, conçu des maisons et aménagé d'importants sites, comme le musée d'Art contemporain d'Arrecife, le monument au Paysan, le jardin de cactus, ou le belvédère Mirador del rio. ▼
Une oeuvre d'autant plus exceptionnelle qu'elle incita les autorités à maîtriser le développement touristique de l'île. La fondation installée dans la première demeure de Manrique est un passage obligé pour saisir son concept d'intégration de l'architecture à l'environnement.
On s'invite chez OMAR SHARIF
C'est en jouant au bridge que l'acteur égyptien aurait perdu la plus singulière maison de Lanzarote. Accrochée à la falaise, la villa LagOmar profite de cavités naturelles pour distribuer pièces, terrasses et piscines. Une réussite architecturale convertie en musée-bar-restaurant.
Tout autour, la campagne n'est que chaos : monticules de scories coupantes, failles béantes, crevasses incandescentes.....Enracinés dans cette apocalypse minérale, les habitants de Lanzarote sont des modèles de résilience. Leurs maisons blanches se dressent au milieu d'inextricables labyrinthes de lave noire.
Leur ingéniosité a même rendu le sol fertile dans la vallée de La Geria. Abrités derrière des murets de pierre, figuiers et pieds de vigne verdoyants émergent, tel un mirage, d'un océan de cendres. Un ultime prodige auquel même les Atlandes n'avaient pas pensé !
Le climat y est toujours radieux. Ces îles de l'éternel printemps offrent une température moyenne bien agréable de 20° ! On peut donc visiter les Canaries toute l'année, en évitant décembre et février si on veut éviter la foule et les prix élevés, mais aussi le plein été pour les mêmes raisons.
Les périodes les plus fastes sont le printemps et l'automne.