Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Fauteuils et chaises, des statuts bien assis ..

Laurel et Hardy jouent aux dames au milieu d'un mobilier géant dans "Les bons petits diables" (1930)

Laurel et Hardy jouent aux dames au milieu d'un mobilier géant dans "Les bons petits diables" (1930)

S'asseoir dans un confortable fauteuil - le nom n'apparaît qu'en 1636 - c'est l'apanage du chef de famille. À la même époque, les chaises se déclinent en de multiples formes. 

L'homme n'a pas ressenti, dès son apparition sur terre, la nécessité de poser son siège sur un objet ad hoc. Ses talons ont suffi très longtemps à l'affaire ou un simple caillou, ou encore, chez les Gaulois, un fagot - dixit César ! Dans l'Égypte ancienne, les sièges revêtent déjà des formes et des rembourrages variés.

Siège curule

Ils sont confondus sous le terme de sedes dans la Rome antique et désignés selon leur fonction : chaise curule pour les magistrats, chaise pour accoucher, etc. Jusqu'à l'époque moderne, le seul siège qui vaille est le trône réservé au monarque. Tous les autres lui sont subordonnés. 

Dès le Moyen Age, les bancs sont utilisés dans les espaces privés, le maître se réservant le seul fauteuil de la maison. Tabourets ou pliants et, plus souvent, coussins dits carreaux, posés sur le sol, servent aux invités dans les hôtels urbains et à la Cour jusqu'à la fin du XVIIe siècle. Le tabouret, le plus vulgaire de nos meubles de cuisine, est alors le plus prisé. Les anecdotes abondent sous la plume de Saint-Simon ou de Mme de Sévigné, se gaussant des courtisans rêvant d'un titre ducal qui seul donnait droit de s'asseoir sur un tabouret en présence du roi. 

Dérivée du latin cathedra - chaire- la chaise est dépourvue d'accoudoirs et, à la fin du Moyen Age, elle revêt de multiples formes : haut du dossier incurvé pour celle du perruquier, patins courbes pour la berceuse, haut dossier étroit et siège en trapèze pour la caquetoire, brancards pour la chaise à porteurs, ou encore dossier bas permettant d'étaler les robes à berceau pour la chaise à vertugadin. Pour ne rien dire de la chaise percée sur laquelle par exemple, César de Vendôme, bâtard d'Henri IV, traitait ses affaires. À ne pas confondre avec la chaise de commodité, qui était dotée d'une planchette servant à écrire ou soutenir un livre. 

Dès l'origine le fauteuil l'emporte sur la chaise en termes de représentation du pouvoir. Doté d'accoudoirs et d'une large assise, il se fait confortable sous Louis XIII grâce à un rembourrage en crin recouvert de tissu ou de tapisserie. 

Mais le terme n'entre dans le langage courant qu'en 1636. Est-ce parce que les académiciens, qui n'avaient droit à l'origine qu'à une chaise, ont obtenu le privilège de s'asseoir dans un fauteuil fourni de surcroit pas le garde-meuble royal ? Au XVIIIe siècle, la célèbre entretoise en os de mouton disparait, les formes s'allègent, s'abaissent, se cambrent, se courbent pour donner naissance au fauteuil Louis XV, star incontestée des salons. ▼

Décliné en bergère, marquise, confident ou cabriolet - pour faire des cabrioles ? - il s'adapte aux robes à panier et aux coiffures monumentales.

Le berceau du siège français, se situe à Liffol-le-Grand, dans la plaine des Vosges. C'est là en effet, à quelques encablures de la Haute-Marne, de la Meuse et de la Meurthe-et-Moselle, au carrefour des régions de l'actuel Grand Est, que le bois s'est forgé une réputation ! L'essence de bois d'abord et pas n'importe laquelle : le hêtre. Et plus particulièrement le hêtre blanc. Unique en son genre en France. Un bois sacré pour plusieurs raisons. Parce qu'il offre une texture homogène sans aubier distinct, le hêtre est aussi ce bois dur, mi-lourd et solide, disposant de bonnes propriétés mécaniques. Particulièrement résistant en compression, il est facile au séchage, au sciage et au collage. Ses fibres favorisent un usinage avec une très bonne définition : il est surtout adapté au déroulage. Aisé à travailler, le hêtre offre des possibilités très variées. Il se cintre facilement après étuvage. Et se teinte sans problème avec une très belle qualité de surface. Bois sacré, ce Lugus Fagus a aussi donné son nom au village de «Liffol-le-Grand» autour duquel s'élancent encore vers le ciel de la plaine des Vosges 2 000 hectares d'une forêt aussi précieuse que rare. Ici, le travail du hêtre blanc apparaît multiséculaire.  Dès le XVIIe siècle, l'on y développe une spécialisation qui fera les beaux jours du faubourg Saint-Antoine à Paris : le tournage sur bois. On parle là du bois tourné pour des balustres à rouets d'alors dont l'un, emblématique, fut utilisé non loin de Liffol-le-Grand, à Domremy, par une pucelle (Jeanne-D 'Arc) qui allait devenir, en 1922, l'une des deux saintes patronnes secondaires du pays ! Du rouet qui permet de transformer de la laine ou du chanvre en fil prêt à être tissé au bois tourné des barreaux de chaise, il n'y avait qu'un tour de bras que les Liffolois ont réalisé sans contrainte. Et au début du XVIIIe siècle, on compte deux fois plus de tourneurs sur bois que de menuisiers ou de sabotiers, c'est dire. Mais à Paris, l'on se garde bien de préciser d'où provient cet or quasi providentiel. Cet or que les Liffolois possèdent dans leurs mains. Ils étaient les travailleurs de l'ombre.

Leur savoir-faire unique conduit donc les Vosgiens à produire leurs meubles et sièges. De A à Z. Respectant rigoureusement gestes et matières ancestraux. Et à l'aube de ce troisième millénaire, ce sont ces mêmes savoir-faire, appliqués aux technologies d'aujourd'hui, avec des matières nobles qui perdurent. Aujourd'hui, immanquablement le siège ne peut et ne doit être associé qu'à Liffol-le-Grand. Car il rayonne un peu partout  et accompagne toujours au quotidien la vie des plus grands de ce monde. Il se trouve dans la chambre à coucher de David Beckham, a vogué sur tous les océans en habillant les plus grands paquebots du monde des années 30 et 40, dont ceux de la Compagnie Générale transatlantique. Ils s'appelaient Liberté, Normandie, Ile-de-France ou Pasteur. À l'époque tous les négociants se rendaient à Liffol-le-Grand. On trouve ces sièges uniques chez Dior, Chanel et d'autres grands noms de la haute couture et de la mode.

On le déniche au Fouquet's lorsque l'on s'y assied, à l'opéra Garnier, au Plaza Athénée avenue Montaigne à Paris, dans les boutiques Mephisto ou non loin de Central Park au Baccarat Hôtel de New-York, au Georges V à Paris, à l'hôtel intercontinental Carlton à Cannes, dans des palaces ou résidences princières haut de gamme du Moyen-Orient, en Egypte.....«Dans le monde entier». 

Mais le siège de Liffol, emblème du luxe en plaine des Vosges, se trouve aussi dans tous les foyers de ceux qui apprécient le rêve. Sa grande force, c'est son adaptation à la demande. Le contemporain a supplanté le siège Louis XV et chacun désormais, y compris en petite série, peut commander sa chambre à coucher, sa salle à manger, quelques chaises, un canapé sur demande....Même une pièce unique ! À partir d'une simple idée, un dessin grossier, un croquis, la profession, en liaison avec les designers et décorateurs qui savent qu'ils vont trouver à Liffol des produits d'exception, se montre capable de créer tous types de réalisations. La 3D est passée par là, la numérisation aussi. Le siège de Liffol-le-Grand a su se réinventer, et désormais tous leurs produits sont labellisés IGP Siège de Liffol. 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article