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L'affaire du collier de la reine..

Cette affaire éclaboussa la cour au moment même où la monarchie s'empêtrait dans les difficultés financières. Plus que l'escroquerie elle-même, c'est ce qu'elle suggérait des moeurs de la reine et de son entourage qui provoqua le scandale. Louis XVI n'avait décidément pas besoin de cela...

L'affaire du collier de la Reine Marie Antoinette

«Vous pouvez espérer que le passé est oublié.» Le cardinal de Rohan était aux anges ce 11 août 1784. Il venait d'entendre de la bouche même de la reine Marie-Antoinette les mots qui le faisaient rentrer en grâce. Certes, la rencontre avait été des plus brèves, mais le message était explicite. La reine lui avait donné rendez-vous à la nuit tombée dans le parc du château de Versailles, près du bosquet de vénus. Elle n'était restée qu'un instant car les comtesses  d'Artois et de Provence, ses belles-soeurs, approchaient. Elle avait toutefois pris le temps de lui remettre une rose que le prélat avait reçue à genoux. Pour M.de Rohan, cette fleur mettait un terme à treize ans de brouille. 

Le Cardinal de Rohan

Cet ecclésiastique, issu de l'une des plus importantes familles de nobles de France, cumulait charges et honneurs au sein de l'église : archevêque de Strasbourg, grand aumônier de la Cour, abbé de La Chaise-Dieu, de Saint-Wasst et de Montmajour. Il avait même esquissé une carrière politique, en tant qu'ambassadeur de Louis XV à Vienne de 1771 à 1774. C'est là qu'il s'était mis à dos Marie-Antoinette, n'hésitant pas à critiquer sa mère, l'impératrice Marie-Thérèse. Libertin, prodigue, imprudent, le cardinal de Rohan s'était vu rappelé à Versailles à l'avènement de Louis XVI. 

Depuis, il partageait son temps entre son somptueux palais épiscopal de Strasbourg, le château de Saverne et la cour. 

Sa liaison avec la comtesse de La Motte avait été l'occasion de rentrer en grâce auprès de la reine. Cette jeune femme, fort libérée, lui avait été présentée par sa protectrice, la marquise de Boulainvilliers. Née de Valois, elle se revendiquait de sang princier, mais avait grandi dans la misère la plus noire. Son père était effectivement le descendant d'un bâtard d'Henri II, mort sans un sou, tandis que sa mère était partie refaire sa vie avec un soldat. Ayant épousé un officier de petite noblesse, elle était venue à Versailles pour tenter de solliciter une pension, forte de son ascendance royale. Elle avait réussi à rencontrer la reine qui l'avait prise en affection. La cardinal en avait profité pour lui demander de plaider sa cause. Elle s'était acquittée de sa mission avec efficacité et c'était elle qui avait joué les intermédiaires pour ce fameux rendez-vous nocturne. 

Le lendemain, le cardinal reçut un billet signé de la reine, regrettant la brièveté de cette première rencontre. Puis vint un autre mot, lui demandant de remettre 60 000 livres à Mme de La Motte. D'autres billets signés de Marie-Antoinette confirmèrent au prélat qu'il était rentré en grâce et que la reine l'honorait de sa confiance. En janvier 1785, Rohan en eut une nouvelle preuve. Elle lui demandait de jouer les intermédiaires dans une transaction plutôt délicate. 

Depuis plusieurs années, les joailliers Böhmer et Bassenge avaient proposé à Marie-Antoinette un magnifique collier composé de huit cents diamants, d'un poids total de 2800 carats. La reine adorait les diamants, c'était de notoriété publique, et les deux bijoutiers avaient acheté les plus belles pierres sur le marché et les avaient assemblées dans l'espoir qu'elle leur achète cette fabuleuse pièce.

Le collier de la Reine Marie-Antoinette

Mais, accusée d'être trop dépensière, la reine avait refusé leur offre. Or, désormais, Marie-Antoinette souhaitait acquérir le collier, mais voulait que le cardinal jouât les intermédiaires. Pour ce faire, il devait acquitter la somme de 1 600 000 livres en quatre fois que la reine lui fournirait, bien entendu. Le 29 janvier, Rohan signa l'accord de vente. Le surlendemain, Jeanne de La Motte lui redonna le contrat approuvé par la reine elle-même. Le 1er février, le cardinal reçut des mains des joailliers le fabuleux collier et le remit le soir même à un valet de la reine, en présence de Mme de La Motte. Le printemps passa, Rohan commençait à s'inquiéter de ne pas avoir de nouvelles de la reine et surtout qu'elle ne lui fasse pas passer les fonds nécessaires pour régler la première échéance. Le 27 juillet, rongé de doutes, le cardinal voulut comparer l'écriture de Marie-Antoinette et celle apposée en marge du contrat : elles n'étaient pas identiques. 

Il commença à comprendre qu'il avait été joué. Les bijoutiers s'alarmèrent à leur tour. Le 3 août ils prirent contact avec la première femme de chambre de la reine, Mme Campan. Elle nia que sa maîtresse ait eu un quelconque contact que ce fût avec le cardinal de Rohan et affirma qu'ils étaient toujours en froid. Le lendemain Marie-Antoinette eut entre les mains un mémoire des joailliers, résumant toute l'affaire. Quelques jours plus tard, elle fut prévenue par le banquier de Saint-James que le cardinal avait cherché à emprunter 700 000 livres au nom de la reine. Forte de ces deux informations, elle prévint le baron de Breteuil, ministre de la Maison du roi et à ce titre en charge de la police. Breteuil était un ennemi intime de Rohan et il ne chercha pas à étouffer le scandale. La reine mit son époux au courant et, le 15 août, le grand aumonier fut convoqué en plein conseil des ministres. 

Interrogé par Louis XVI, Rohan reconnut avoir acheté le collier pour le compte de la reine et s'effondra. Le roi lui répondit qu'il ne pouvait pas laisser cet affront impuni et lui annonça qu'il était en état d'arrestation. Le cardinal, décomposé, sortit, flanqué du marquis de Breteuil. Celui-ci prit un malin plaisir à ordonner aux gardes de s'emparer du cardinal au beau milieu des courtisans assemblés dans la galerie des glaces. Le scandale ne pouvait pas revêtir davantage de publicité. 

Il ne fut pas très difficile de comprendre ce qui s'était passé. Mme de la Motte s'était targuée d'une familiarité avec la reine qu'elle n'avait pas et tous les prétendus billets de Marie-Antoinette n'étaient que des faux grossiers. 

Le rendez-vous dans les bosquets de Versailles avait été monté de toutes pièces par elle et son mari. le "comte" (portait un titre auquel il ne pouvait en fait pas prétendre) De La Motte était allé sous les arcades du Palais Royal recruter une prostituée dont la ressemblance avec la reine était frappante. Celle-ci, sur la promesse de 15 000 livres, tint son rôle à la perfection. Quant au valet qui était censé porter à la reine le collier, il s'agissait en fait d'un complice, Rétaux de Villette, amant de Jeanne de La Motte. Le soir même de la transaction, le collier avait été deserti et les pierre partagées. Vendues pour l'essentiel à Londres, elles permirent de récolter environ 600 000 livres. Le 6 août, les époux de La Motte avaient pris la route de Bar-Sur-Aube où ils avaient acheté une propriété grâce aux 60 000 livres versées une première fois par le cardinal. Le 18 août, Jeanne de La Motte fut arrêtée à son domicile lorrain et conduite à la Bastille où elle rejoignit le cardinal, déjà incarcéré. Mais le mari ne fut pas inquiété, ce qui lui permit de filer à Londres avec les derniers diamants et quelques papiers compromettants. 

Leurs procès s'ouvrit le 22 mai 1786 au parlement de Paris. Le cardinal fut acquitté, mais le roi le déchut de ses charges à la cour et l'obligea à s'exiler à la Chaise-Dieu, au coeur de l'Auvergne. Jeanne de La Motte fut condamnée à la prison à vie et marquée au fer rouge du V des voleurs. Son mari fut condamné aux galères par contumace. Villette, réfugié en Suisse, fut banni du royaume. 

Pour la reine, ce verdict était un camouflet. Car au-delà de l'escroquerie dont le cardinal avait été la victime, l'affaire du collier donnait de Marie-Antoinette une bien étrange image. Qu'une reine de France puisse se lier d'amitié avec une femme issue de rien, qu'elle puisse donner un rendez-vous en pleine nuit à un prélat dans les jardins de Versailles, qu'elle ne puisse pas en son nom propre acheter à crédit un collier étaient aux antipodes de la respectabilité qui convient à une reine de France. 

Bien évidemment, Marie-Antoinette n'avait jamais agi de la sorte, mais qu'un des membres d'une des plus prestigieuses lignées aristocratiques puisse croire qu'elle ait pu se comporter ainsi en disait long sur sa réputation.

En fait, toute cette affaire éclairait d'un jour cru les moeurs de la cour : intrigues, libertinage, frivolité, prodigalité. Les sommes en jeu étaient énormes quand on sait qu'un ouvrier gagnait au mieux 2 à 5 livres par jour. À une époque où le roi ne trouvait plus de nouvelles recettes fiscales pour éponger le déficit né de la guerre d'indépendance américaine, tout cela choquait. Plus encore, pour l'opinion publique, il n'y avait pas de fumée sans feu. Cela correspondait trop bien à l'image que l'on avait de la reine : dépensière, infidèle, ne respectant pas les convenances....Les pamphlets se multiplièrent dans lesquels elle n'était pas épargnée. On l'accusait d'être à l'origine de l'escroquerie, d'avoir vendu ses charmes au cardinal en échange des diamants et bien d'autres turpitudes. 

L'évasion de Mme de La Motte et sa fuite en Angleterre à l'été 1787 furent cause d'un nouveau scandale. Manifestement elle avait bénéficié de complicités. On murmura que la reine n'y était pas étrangère, ayant voulu ainsi acheter le silence des époux de La Motte. Si tel était le cas, elle en fut pour ses frais, car en mai 1789 Jeanne publia sa propre version des faits : la reine, avec qui elle entretenait une relation saphique, était la véritable instigatrice de l'escroquerie. On était alors en pleine convocation des États généraux. De quoi discréditer encore plus une monarchie soumise au feu des critiques politiques. 

Mais bientôt d'autres sujets allaient nourrir les débats de l'opinion...

Mme de La Motte mourut dans l'indifférence générale à Londres en août 1791. Le cardinal de Rohan émigra en 1790 et mourut en 1803 sans avoir revu la France. Quant à Marie-Antoinette, elle monta sur l'échafaud le 16 octobre 1793. 

Si l'affaire du collier n'est pas une des causes directes de la Révolution, elle aura tout de même contribué à accroître le discrédit de la reine et le rejet de la cour. À une époque où le pouvoir était d'abord et avant tout en représentation, depuis que Louis XIV l'avait mis en scène à Versailles, cela n'était pas sans conséquences politiques. 

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