6 Décembre 2020
La table, que nous connaissons tous en France et qui reste le meuble central de toutes les convivialités familiales et amicales n'a pas toujours occupé cette place essentielle.
La coutume romaine de manger couché cesse vers le VIIIe siècle. Ce n'est pas pour autant qu'apparaissent les tables fixes. Pendant près de 1000 ans, on va se servir de planches que l'on pose sur des tréteaux. d'où l'expression «dresser la table». Ce qui permet de prendre ses repas au gré de ses envies et humeurs : dans une chambre, un jardin, une galerie ....Chez les seigneurs tout du moins, car les pauvres n'ont qu'une pièce, et mangent où ils peuvent.
L'apparition du banc est impossible à dater semble t-il, mais il s'agit bien du premier meuble permettant de s'asseoir. Seuls le prince ou les hôtes les plus illustres ont droit aux «chiaeres», à haut dossier et accoudoirs. N'oublions pas que les cours sont nomades, passant de château en château. Les meubles suivent en chariot. Mieux vaut ne pas trop s'encombrer !
Lors des banquets, les tables sont disposées en U et les convives installés du même côté. Le service est ainsi simplifié et chacun peut voir les entremets, spectacles qui font patienter entre chaque service. Le seigneur et ses hôtes de marque sont installés au centre de la table, dos à la cheminée. De chaque côté se distribuent les convives les moins importants et....les femmes.
À la renaissance apparaissent les premières chaises ainsi que des ployants et des escabelles, sans bras ni dossiers. Les tables fixes commencent à s'installer, mais planches et tréteaux sont conservés pour les banquets. La France reste fidèle à la disposition en U alors qu'en Italie ou en Allemagne, on n'hésite pas à utiliser des tables rondes, accueillant une dizaine de convives.
La première salle à manger voit le jour au milieu du XVIIe siècle, mais c'est encore chose très rare. Elle est équipée d'une table fixe, ronde, le plus souvent en acajou. Il faut attendre la fin du XVIIIe siècle pour que l'usage s'en généralise. On garde la coutume, une fois le repas fini, de ranger les chaises le long des murs. D'autres types de tables font leur apparition. Le goût pour l'intimité, les repas libertins et le souhait de ne pas être dérangé par des domestiques incitent à la création de «serviteurs muets» renfermant assiettes, verres, couverts supplémentaires, à disposition du maître de maison.
On invente même des tables volantes. Par un ingénieux mécanisme, elles disparaissent à l'étage inférieur où les domestiques s'empressent de les desservir et de les regarnir.
L'architecte Jacques Ange Gabriel équipe ainsi un petit pavillon du château de Chois, avec une table escamotable de douze couverts pour Louis XV et madame de Pompadour.
Avec la naissance des restaurants, à la fin du XVIIIe siècle, la table devient individuelle, alors qu'à l'auberge, on la partage.
Après la révolution, la bourgeoisie triomphante crée un nouvel art de vivre. Les aristocrates avaient peu de meubles, mais une grande domesticité. Chez les bourgeois c'est le contraire et les pièces s'encombrent de dessertes, tables à thé....
À l'époque de Louis-Philippe, la table de la salle à manger est massive, de préférence de style Henri II ou Louis XIII, en chêne sculpté. Les plus fortunés privilégient l'acajou et les copies Louis XVI.
Le placement des convives devient un art véritable, faisant l'objet de chapitres entiers dans les livres de savoir-vivre qui fleurissent tout au long du XIXe siècle.
Puis vint la révolution industrielle ..Elle débute tout doucement, les plus modestes se dotent de tables d'ébénistes réalisée de façon artisanale. Et puis au XIXe siècle, les petits ateliers disparaissent et la production industrielle de masse s'envole, accompagnée d'un exode rural massif. Il s'agit alors de meubler à bas prix tous les ouvriers. Il faut faire vite, bien et pas cher.
L'envie du beau a toujours existé à côté du besoin fonctionnel. L'heure de la production en série est aussi celle de l'avènement du design. A la fin de XIXe siècle, l'industrialisation «à outrance» a donné lieu à un retour à l'artisanat et aux pièces sortant de l'ordinaire et de la banalité. C'est ainsi que certaines pièces imaginées et élaborées au XXe siècle sont aujourd'hui indémodables. Ces pièce cultes imaginées dans les années 20, 30, 40, 50, 60 et façonnées par des grands noms ont marqué les esprits. Leurs créateurs s'appellent Charles Eames, Eero Saarinen, Pierre Paulin, Charlotte Perriand (pour ne citer qu'eux). Parmi les tables iconiques vient peut-être en premier lieu la table «Tulipe» imaginée par le designer américain Eero Saarinen en 1957 pour Knoll. Avec son unique pied central, il voulait débarrasser les maisons de ce fouillis de pieds. C'est une révolution ! ▼
La table est aujourd'hui un terrain de jeu infini. Il ne reste plus qu'à faire son choix entre tables rondes, carrées, rectangulaires, ovales et les matériaux sont presque infinis : bois, verre, plastique, béton, métal, donnent ainsi le style de la salle à manger.
Mais nous pouvons toujours convoiter des copies de meubles de styles Louis XV, Louis XVI etc. pour faire de notre intérieur un petit chef-d'œuvre, ou pourquoi pas avoir une jolie pièce totalement remplie d'antiquités.
A chacun sa part d'histoire dans sa maison.
Démonstration de la symbolique du vocable, depuis des siècles on se met donc à table pour manger, et on quitte la table pour signifier que le repas est terminé. Des expressions qui lient forcément ce meuble au repas, une évidence uniquement pour les Européens occidentaux, bien entendu, aujourd'hui comme hier, même si notre époque contemporaine semble sonner le glas au profit d'un grignotage hyper-lipidique typiquement anglo-saxon sur un coin de table basse.